Les institutions et la loi
Le gouvernement central sous les Abbassides
Le calife, pilier du pouvoir central
Le calife abbasside se veut très différent du calife omayyade. Il se dit en effet héritier du Prophète et tire profit de son appartenance à sa famille. Il est « Khalifat Rasul Allah », « Amir al Muminin » (Prince des Croyants) et imam. Il prend un surnom de règne à portée religieuse : Al Mansur (« celui qui reçoit la victoire de Dieu »), Al Rashid (« le bien dirigé »). Il détient le manteau, le bâton et le sceau du prophète, attributs auxquels Al Muttawakkil ajoutera la lance. Il dirige la prière du vendredi et, dans tout l’Empire, son nom est invoqué dans la Khutba. Il doit aussi diriger le pèlerinage à La Mecque. Il est gardien du dogme, chargé de lutter contre les hérésies, de guider la communauté, de faire régner la justice et d’« ordonner le bien et interdire le mal ». On vit en effet souvent des califes prendre parti dans les discussions théologiques ; ainsi, si Al Rashid combattit les premiers mutazilites, Al Mamun les défendit et imposa même leur doctrine en créant « l’épreuve » (mihna), véritable inquisition pour les hommes de loi. Ses deux successeurs le suivirent, mais le troisième au contraire, Al Muttawakkil, persécuta les mutazilites.
Le calife abbasside reprend aussi la tradition du souverain oriental autocrate avec un cérémonial et une étiquette imités de la cour sassanide. Il reçoit caché derrière un rideau et on doit se prosterner et baiser le sol devant lui. Détenteur du pouvoir exécutif, il est chargé du maintien de l’ordre, et nomme et révoque à son gré les gouverneurs et les hauts fonctionnaires, auxquels il impose parfois des amendes énormes, lorsqu’il les soupçonne de fraude. Toute autorité est déléguée par lui et révocable à tout instant. Il tire surtout sa force du fait qu’il dispose à sa guise des ressources 60 de l’Empire ; c’est pourquoi il veille jalousement à la
bonne perception des impôts. Maître de l’armée, il est responsable de son recrutement et décide de son emploi du temps et de la solde.
Comme nous le verrons, le pouvoir législatif ainsi que le pouvoir judiciaire lui échappent, mais il est cependant l’arbitre suprême, le redresseur de torts. C’est là que réside la limite de son pouvoir, car il doit lui- même se soumettre à la loi et ne pas porter de jugements arbitraires. En fait, ce sont surtout les militaires qui ont limité son pouvoir en accaparant progressivement les pouvoirs militaires, administratifs et financiers.
Le problème de la succession
Pas plus que les Omayyades, les Abbassides n’ont réglé le problème de la succession. Ils ont imposé le principe dynastique ; mais comme le calife tire son pouvoir de la communauté, la proclamation par les sages, les notables, est absolument nécessaire. Ceux-ci lui prêtent un serment d’obéissance et il est ensuite acclamé par la foule, c’est-à-dire l’armée et la population de la capitale. Un calife qui a perdu la vue se voit enlever la capacité à gouverner, d’où la pratique courante de crever les yeux à ceux que l’on destitue ou que l’on veut éliminer de la course au califat.
Il est aidé par le vizir et les bureaux
Le vizirat est une fonction attribuée par le calife « quand bon lui semblait, à qui bon lui semblait et en la définissant comme bon lui semblait » (D. Sourdel). La fonction est en effet ambiguë. Le vizir (wazir) est l’assistant du calife, responsable de la direction des bureaux et chargé tout particulièrement de s’occuper des finances, mais il est aussi souvent son ami, son conseiller, son confident.
Certains vizirs jouèrent un très grand rôle : ainsi les Barmekides (le père et ses deux fils) sous Harun al Rashid ou Fadl ben Sahl qui bénéficia de pouvoirs exceptionnels au début du règne d’Al Mamun. Les vizirs eurent leur heure de gloire à la fin du IXe siècle et au début du Xe siècle où ils apparurent comme de véritables premiers ministres. Le vizirat est une fonction empirique dont l’étendue dépend de la personnalité du calife et des circonstances historiques. Son rôle déclina lorsque le calife s’éclipsa devant le grand émir buyide et plus tard devant le sultan seldjoukide.
Les vizirs appartenaient à la caste des secrétaires. Ils sont souvent de nouveaux convertis d’origine iranienne, et on choisit de préférence des spécialistes des finances, car le problème financier conditionne tous les autres.
Les Abbassides ont repris les traditions administratives sassanides. L’administration centrale est formée de bureaux ou offices (diwan) tenus par un corps de secrétaires (kuttab), techniciens spécialisés mais aussi souvent lettrés ou artistes jouissant d’une bonne considération à la cour califale. Le nombre des bureaux a varié. Les principaux sont :
Les principaux bureaux
- Les bureaux des finances qui ont un rôle important à jouer, car ils doivent équilibrer les recettes et les dépenses.
- Le bureau de l’impôt foncier (diwan al kharaj) établit l’assiette de l’impôt pour laquelle il faut tenir compte de la superficie, mais aussi de la nature des terres. Le bureau des domaines (diwan al diya) s’occupe des propriétés de l’État et des domaines donnés en « concessions » aux émirs. Le trésor privé du calife est autonome. Le bureau du Trésor (bayt al Mal) gère le produit des impôts qui parvient à l’administration centrale. Le grand problème des bureaux financiers est d’obtenir que les provinces envoient le surplus du fruit des impôts car elles se réservaient les sommes nécessaires au paiement des fonctionnaires et des troupes.
- Les bureaux de la chancellerie (diwan al rasail) établissent les décisions, les nominations et expédient les lettres officielles à l’administration provinciale. Le bureau de l’armée (diwan al djaish) est divisé en autant de sections que de corps de soldats.
La poste
- Un service très important est le service de la poste (barid). Hérité de l’administration sassanide et byzantine, il est chargé de transporter le courrier entre Bagdad et les provinces. Dans chaque ville importante, un chef du barid a en outre pour mission de renseigner le calife sur la situation de la province et sur l’activité des différents agents de l’Etat. Comme les agents de la poste constituent une sorte de police secrète, le calife n’y nomme que des hommes de confiance, parfois obligés de se déguiser en marchands pour échapper aux dangers liés à la fonction. Au Xe siècle, un système de routes et de relais (au nombre de neuf cent trente) couvre l’Empire en utilisant des chameaux en Occident, des mulets en Iran et des pigeons pour les nouvelles importantes. La poste semble s’être désorganisée sous les émirs buyides avant d’être supprimée en 1063 par les Seldjoukides.
L’administration provinciale
L’Empire est divisé en provinces dont les limites changent parfois pour des raisons politiques, militaires et économiques. Chaque province est placée sous la direction d’un gouverneur (Khatib, puis émir, plus tard wali) qui est le délégué du calife, nommé et révoqué par lui. Il est chargé de diriger la prière, de commander l’armée et de maintenir l’ordre. Les califes eurent toujours du mal à contrôler les tendances à l’émancipation de leur gouverneur. Au premier siècle abbasside, leur gouvernement est souvent de courte durée, car ces hauts personnages, tentés de s’enrichir très vite, sont dénoncés par les hommes de la poste. C’est ainsi que sous Harun al Rashid (786-809), Médine eut dix gouverneurs. La Mecque en eut seize, et le Khurasan dix.
L’émir fut déchargé des finances, qui furent confiées à un directeur des impôts (amil), qui s’occupait de la collecte de l’impôt et de l’organisation du budget provincial. La justice dépendait, quant à elle, du seul cadi. L’administration régionale comprenait en outre les chefs de l’armée, le chef de la police chargé de l’exécution des peines décidées par les cadis, les intendants des domaines califiens et le maître de la poste. Le calife créa un nouveau fonctionnaire : le sahib al nazar fil mazalim pour enquêter sur les doléances émises contre les fonctionnaires, y compris l’émir. Il existe aussi un magistrat (muhtasib), chargé de la police des marchés : surveillance des transactions, des règlements artisanaux ou commerciaux, mais aussi surveillance des mœurs et de l’opinion. Dans la capitale régionale, des bureaux sont organisés sur le modèle de ceux de Bagdad.
Comme nous l’avons vu, les relations entre les provinces et le gouvernement central devinrent difficiles à partir du milieu du IXe siècle lorsque les califes ne furent plus capables d’exercer leur autorité sur l’ensemble de l’Empire. Ils durent se résigner à l’autonomie de plusieurs provinces.
L’armée
Elle apparaît aussi comme un des piliers du pouvoir central. Elle est très différente de l’armée omayyade, car c’est une armée de professionnels au service du calife.
Le recrutement
Comme les Abbassides devaient leur accession au pouvoir à l’armée des Khurasaniens d’Abu Muslim, ceux-ci continuèrent à former l’ossature de la nouvelle armée pendant près d’un siècle. Très liée aux souverains, elle était capable d’écraser les révoltes intérieures et, par sa cavalerie, sa maîtrise de l’arc et son art de la guerre de siège, était supérieure aux troupes arabes. Les troupes arabes furent surtout engagées sur les frontières où elles menaient la guerre sainte. Chaque année sous les règnes d’Harun al Rashid et d’Al Mamun on menait une campagne routinière contre Byzance dans la région des marches (awasim) au Sud de l’Asie Mineure. Ces combattants vivaient du butin acquis lors des campagnes et du bénéfice des fondations pieuses qui se multipliaient en leur faveur. Une partie des troupes était formée de permanents inscrits au bureau de l’armée, qui leur versait une solde, tandis que l’autre était composée de volontaires mobilisés pour la durée de la campagne.
Comme une partie de l’armée khurasanienne resta avec Tahir qui fonda une principauté autonome au Khurasan (821-873), le calife Mutasim décida de faire appel aux esclaves turcs. Achetés jeunes, sélectionnés et bien formés, ils devaient constituer, dans l’esprit du calife, une armée d’élite entièrement dévouée à leur maître. Nous avons vu comment ils dominèrent très vite le califat en éliminant les califes, dès que ceux-ci ne pouvaient plus tenir leurs promesses financières. Désormais, les Etats musulmans ne pourront plus pendant longtemps se passer des Turcs. Certains califes chercheront une solution en recrutant des troupes dans d’autres ethnies : montagnards daylamites, Kurdes, Berbères, esclaves noirs, mais ce système créa d’autres problèmes, car chaque corps disposant d’une langue et de techniques propres eut tendance à n’obéir qu’à son chef et à tenter de contrôler le pouvoir central pour en tirer des profits matériels.
L’organisation l’équipement
Le calife est le commandant en chef de l’armée, mais il se trouve rarement à la tête de ses troupes. Harun et Rashid conduisait pourtant un an sur deux l’expédition contre les Byzantins et Al Mamun mourut à Tous au cours d’une campagne contre eux. En général, ce sont les secrétaires du bureau de l’armée qui préparent la campagne et les émirs qui dirigent les opérations. L’armée est accompagnée d’un cadi (« juge de guerre »), d’un lecteur du Coran et de médecins. Elle a repris pour ses déplacements la tradition byzantine héritée elle-même des méthodes de la légion romaine : une avant-garde flanquée de corps de garde précède le gros de l’armée avec les bagages et la marche est fermée par Parrière-garde.
L’armement arabe traditionnel constitué du sabre, du javelot et de la lance s’enrichit de l’arc, art dans lequel excellaient les Turcs. Les cavaliers utilisaient l’arc, le javelot et la lance et se protégeaient avec le bouclier, la cuirasse et le casque. Le cheval servait pour le combat alors que le chameau était réservé au transport.
La solde
La principale préoccupation du soldat était sans nul doute le paiement de la solde. Celle-ci variait suivant les catégories — ainsi un cavalier recevait le double d’un fantassin — et était versée partie en espèces, partie en nature. S’ajoutaient des dons exceptionnels versés par exemple lors de l’avènement d’un calife. L’Etat avait souvent du mal à assumer toutes ces charges, d’autant plus qu’il devait aussi fabriquer les armes, entretenir les magasins et forteresses, etc. C’est pourquoi il en vint peu à peu à abandonner à des généraux le gouvernement d’une province avec charge d’entretenir son armée. Sous les grands émirs buyides, on vit apparaître l’ikta, concession à un chef militaire de la levée d’impôts sur une région. Le concessionnaire ne verse plus rien à 1 Etat. C’est le droit à l’impôt qui est concédé, non la terre, mais en fait celle-ci est considérée comme garantie de la somme attendue. Le chef militaire en profite pour faire pressurer les paysans par ses intendants, si bien que l’économie agricole en souffre. Le contemporain Ibn Miskawayh estime que c’est la cause de la décadence économique qui apparaît sous les Buyides. Les militaires profitent aussi de leur .uitorité sur une région pour déposséder les petits paysans et se constituer des biens propres. De véritables « seigneuries » se créant, alors que la propriété « bour-geoise » ne se maintient qu’auprès des grandes villes. Ce système de l’ikta permit la formation d’une classe nouvelle, « l’aristocratie de l’épée », qui supplante « l’aristocratie de l’argent » formée par le commerce.
Le droit et la justice
Dans la communauté musulmane, le pouvoir législatif appartient à Allah, mais à partir de la parole d’Allah, il a fallu créer une législation musulmane et mettre en place une organisation judiciaire. Ainsi de l’ilm, science de la loi fondée sur la connaissance du Coran (d’où le nom uléma) s’est peu à peu détaché le fikh (fakih, fukaha), science des règles concrètes et pratiques de la religion. Les fondements du droit et de la justice commencèrent à être élaborés sous les Omayyades, avant de prendre leur forme définitive sous les Abbassides.
Naissance du droit musulman
Le droit musulman s’est élaboré lentement. Au cours du premier siècle de l’hégire, il restait fondé sur le droit coutumier préislamique ou sur les institutions juridiques des pays conquis ; puis, peu à peu, on vit apparaître les premiers foyers d’élaboration du droit. Le deuxième siècle de l’hégire est, en revanche, essentiel pour la constitution du droit musulman. C’est alors que les quatre grandes écoles juridiques se constituèrent. Les traditionnistes s’opposèrent à tout contrôle du calife et de l’État sur le droit. Le calife peut prendre des règlements administratifs en matière de police ou de finance mais il s’agit d’une législation indépendante.
Les sources -de la loi (usul)
Le Coran est la référence essentielle, mais les règles sont à peine esquissées et les sanctions sont rarement pénales.
- La Sunna du Prophète et de ses compagnons : c’est une source fondamentale, car leurs comportements, leurs paroles et leurs actes furent érigés en exemples et en règles de conduite.
- L’idjma, c’est le consensus, l’accord de la communauté. Un hadith (tradition) dit que la communauté est incapable de s’accorder sur une erreur. Ce sont les théologiens et les juristes d’une époque qui représentent la communauté.
- Le qiyas : le raisonnement par analogie. C’est la déduction d’une loi à partir d’une loi sûre, mais elle doit être approuvée par la communauté.
- Le ra’y : l’opinion personnelle. Elle consiste à choisir la solution la meilleure (istihsan) ou celle qui répond au principe d’utilité générale (istislah).
- On ajoutera aussi Yurf, la coutume ; c’est-à-dire l’emploi des usages antérieurs. Il n’est pas reconnu comme source, mais en fait, il a largement contribué à la formation du droit islamique et dans bien des cas il a la priorité sur le droit.
Les grandes écoles juridiques
Des grandes écoles juridiques sont fondées sur l’obédience à un maître. On constate que plus on avance dans le temps, plus les écoles sont fermées et dépendantes des traditionnistes.
- Le hanafisme : Abu Hanifa (mort en 767 à l’âge d’environ soixante-dix ans) est un juriste de Kufa, non un juge (il vivait du commerce des tissus de soie). Il n’a pas laissé d’ouvrage, mais il a formé de nombreux disciples avec lesquels il discutait. C’est l’école la plus libérale, car elle admet le raisonnement par analogie et l’opinion personnelle. Il fut très critiqué et rendu responsable de plusieurs doctrines hérétiques. Il eut un grand disciple : Abu Yusuf. Ce fut l’école de l’Empire ottoman et aujourd’hui celle de la Turquie, de l’Inde, de la Chine et des territoires musulmans de l’U.R.S.S.
- Le malikisme : Malik ibn Anas (mort en 795). Juge à Médine, il a laissé un ouvrage, Le chemin aplani, dans lequel il donne un tableau de la loi, du droit et de la religion médinoise. Il admet comme source, outre le Coran et la Sunna, la « coutume » médinoise, le consensus des docteurs médinois et aussi le principe d’utilité générale. Son école est suivie aujourd’hui encore en Afrique du Nord, en Afrique Occidentale, en haute Égypte et au Soudan.
- Le shafi’isme : Ash-Shafi’i (767-820), élevé à La Mec-que, se rendit ensuite auprès de Malik à Médine, fut fonctionnaire au Yémen et mourut en Égypte. Adoptant l’opinion des traditionnistes, il limita la sunna aux seules traditions attribuées formellement au Prophète. Il n’accepte le qiyas que lorsque aucune indication n’a été fournie par les trois premières sources et il rejette catégoriquement l’opinion personnelle. Ce fut l’école officielle du califat abbasside et elle est en vigueur aujourd’hui en basse Égypte, au Moyen-Orient et en Indonésie.
- Le hanbalisme : Ahmad ibn Hanbal (780-855) est un Arabe de Basra qui étudia à Bagdad et se consacra ensuite à l’étude de la tradition. Il voyagea beaucoup S1′ dans le monde musulman. Professeur à Bagdad, il prit la tête de l’opposition à l’adoption du mutazilisme par Al Mamun, ce qui lui valut de connaître l’emprisonnement. Il fut libéré et retrouva sa tâche de professeur n sous Al Muttawakkil. Sa doctrine repose sur le Coran et la Sunna, ne voyant dans le consensus que l’accepta-tion unanime d’une vérité fondée sur le Coran et la Sunna. Il est ennemi de toute innovation (bid’a).
Ces grands juristes appartiennent donc aux VIIIe et IXe siècles. Il y eut encore pendant quelque temps une recherche juridique, puis vers le début du XIe siècle les portes de « l’effort personnel » (idjtihad) se fermèrent. Plus aucune recherche et interprétation nouvelles ne furent admises.
Les institutions judiciaires
Si l’établissement de la loi n’appartient pas au calife, en revanche l’organisation de la justice fait partie de ses attributions et c’est lui qui nomme les cadis.
Le cadi : il est donc nommé et également révoqué et payé par le pouvoir politique ; mais, comme la loi est indépendante de celui-ci, il a une grande liberté dans l’exercice de ses fonctions. Le cadi rend la justice civile et criminelle suivant les prescriptions de l’École qu’il représente. Il a une grande responsabilité car s’il commet une injustice, il devra en rendre compte au jour du Jugement dernier. « L’enfer est peuplé de cadis », répète-t-on souvent. Il a aussi la tutelle des orphelins, il administre les biens religieux ( waqf) et il est chargé de l’exécution des testaments et de la conclusion des mariages.
Le cadi est entouré de témoins professionnels. Le témoin (adil) est un homme qui a fait l’objet d’une enquête de compétence et de valeur morale. Il témoigne, mais il peut aussi juger les petits procès. Il est le garant de la régularité de la justice. Le cadi, très lié à la population sur laquelle il exerce sa charge, juge dans la mosquée ou parfois dans sa maison. Le cadi a sous son contrôle le muhtasib, préposé au commerce qui punit les ventes malhonnêtes et, en tant que censeur et gardien de la moralité, peut adresser des remontrances à n’importe qui.
Les califes abbassides se sont réservé une juridiction en appel : le tribunal des abus (mazalim), chargé de corriger les injustices, en particulier celles qui sont commises par les fonctionnaires. Ce tribunal juge aussi les procès intentés aux suspects d’hérésie. La juridiction des abus est très large et son pouvoir de répression, très important. À défaut du calife, le tribunal est présidé à Bagdad par le Grand Cadi (Kadial- Kudat).