Les différentes formes du judaïsme
Durant les 3 000 ans de son histoire, il n’est pas étonnant que le judaïsme ait connu des évolutions importantes qui se sont traduites
1. Bar, équivalent de l’arabe ben, se retrouve dans les noms de Barnabé, Barabbas…
2. La racine sémite K.T.B., dont le sens est « écrire », a donné le fameux mektoub Arabes : « c’est écrit » (dans le destin).
notamment par la formation de mouvements dissidents et des interprétations variées de la mission du peuple élu.
Rien ne subsiste cependant aujourd’hui de ce qui opposait les saducéens, niant la résurrection, la loi orale et l’existence des anges, et les pharisiens qui en étaient convaincus ; rien non plus des esséniens, célèbres par les manuscrits de la mer Morte, dont la sensibilité a préparé, semble- t-il, l’avènement du christianisme. Seuls parmi les sectes de l’Antiquité, les samaritains ont laissé quelques traces jusqu’à nos jours.
Plus tard, au VIII siècle, apparurent les karaïtes qui ne sont plus que quelques rares dizaines de milliers. Au xrv1 siècle, le mouvement de la Kabbale né en Espagne introduit une dimension ésotérique qui est reprise par le hassidisme, originaire de Pologne, au VIII siècle. Celui-ci, à la fois mystique et rigoriste, a profondément imprégné le judaïsme d’Europe Centrale et se trouve au cœur de l’actuelle tendance « orthodoxe ».
Ainsi, le paysage du judaïsme contemporain est-il modelé par des strates successives et complémentaires de ce qui constitue le monde infiniment complexe de la pensée juive.
Depuis la fin du XIXe siècle, deux mouvements nouveaux ont été particulièrement marquants, le judaïsme réformé et le sionisme, mais ils n’ont pas effacé les autres tendances.
Le judaïsme réformé est un courant de pensée qui s’est développé dans les démocraties occidentales quand y ont été abolies toutes discriminations de nature religieuse. Certains juifs ont alors volontairement abandonné la référence à une nation juive pour se considérer comme une confession religieuse parmi les autres. Cette tendance, très vigoureuse avant 1939, préconisait des réformes du culte telles que l’abandon de l’hébreu au profit de la langue locale, le remplacement du sabbat par le dimanche, l’égalité des sexes, l’introduction de l’orgue à la synagogue, etc.
Les juifs réformés font généralement preuve d’un grand nationalisme pour le pays où ils vivent et voient davantage le Messie comme un idéal de reconnaissance universelle de Dieu que comme un homme qui restaurera la domination du peuple d’Israël. Le sionisme au contraire refuse l’assimilation totale des juifs à leur milieu et souligne le rôle de la nation juive. Celle-ci devient ainsi le point fort du judaïsme, même si la religion doit passer au second plan. Pour le sionisme, le Messie, c’est le peuple d’Israël qui revient sur sa terre et y trouve son unité. La création de l’Etat d’Israël en 1948 a permis à cette tendance de s’exprimer pleinement.
A côté de ces sionistes qu’on appelle laïcs ou libéraux et qui sont la majorité, on trouve également des orthodoxes qui souhaitent qu’Israël soit un état théocratique dont les lois soient strictement conformes à la Torah.
Parmi les antisionistes, minoritaires mais en nombre non négligeable, il faut distinguer deux courants radicalement opposés : les juifs « de gauche », souvent marxistes, convaincus qu’Israël ne pourra indéfiniment subsister face à des voisins plus nombreux et menaçants, préconisent un
nartage amiable de la terre d’Israël avec les Palestiniens et l’établissement d’un Etat pluriconfessionnel.
A l’opposé, les « Gardiens de la cité », Natorei Karta, ultra-conservateurs constituent un groupe très minoritaire mais extrémiste de religieux antisionistes : pour eux, le Messie rassemblera son peuple quand il le voudra et l’Etat d’Israël ne fait que retarder cet avènement. Ils souhaitent donc la disparition de l’Etat, réservent l’hébreu pour la prière et parlent yiddish, refusent la carte d’identité et les impôts…
Quelles que soient ces tendances divergentes, la constitution de l’Etat d’Israël marque dorénavant le judaïsme et entraîne d’importantes conséquences sur les différentes orientations de la pensée juive. C’est ainsi que le courant réformé, qui aboutissait à un certain effacement de l’originalité du judaïsme, a régressé au profit d’une plus grande conformité avec la tradition. Depuis moins d’une génération, on constate que les jeunes reviennent à une pratique religieuse que leurs parents avaient bien souvent abandonnée.
Le souci d’une adaptation constante du judaïsme à la modernité n’est pas exclu pour autant. C’est ce qu’on constate notamment au sein de la communauté juive américaine.
On estime que, sur 6 millions de juifs américains, 3 millions ne se rattachent à aucune synagogue, c’est-à-dire ne pratiquent pas leur religion. Sur les 3 millions restants, 15 % sont de tendance orthodoxe, 35 % sont libéraux tandis que 50 % sont, selon le terme anglosaxon, « conservative ». Il s’agit donc du courant de pensée le plus important qui s’efforce d’adapter la pratique de la loi au monde moderne, sans pour autant en rejeter la rigueur.
Quelques exemples illustreront les positions de ce mouvement :
– les femmes se voient reconnaître une parfaite égalité avec les hommes ; elles participent aux cérémonies de la synagogue et peuvent même être rabbins ;
– l’usage de l’électricité est admis le jour de sabbat de même que celui de l’automobile pour se rendre à la synagogue, mais seulement s’il est impossible de s’y rendre à pied ;
– les prières ont été complétées et modifiées pour évoquer le martyre des juifs sous le régime nazi, etc.
En revanche, ce mouvement n’admet que la nourriture casher, il exige le respect des rites tels que celui d’avoir la tête couverte à la synagogue et maintient fermement le principe de la transmission de la judaïté par la mère, principe sur lequel les réformés sont réservés.
Le mouvement « conservative » se situe donc, en fait, à michemin entre les judaïsmes réformé et orthodoxe, il insiste sur la responsabilisation du croyant et son éducation à la liberté : chacun doit pouvoir, en conscience, interpréter l’esprit de la loi plutôt que d’en suivre aveuglément la lettre.
Nous terminerons ce chapitre sur le judaïsme par la brève description du hassidisme, puis, en nous éloignant de plus en plus du judaïsme orthodoxe, nous présentons les karaïtes, les samaritains et les « hébreux noirs ». Enfin, quelques lignes sur les « tribus » perdues d’Israël évoqueront divers points curieux de l’histoire juive.
Le hassidisme
Le terme hébreu hassidsignifie « pieux », hassidim est son pluriel. Il s’est jadis appliqué aux disciples de Judas Macchabée, révolté en 165 av. J.-C. contre l’ennemi syrien Ce n’est cependant qu’au xviir siècle que réapparaît en Pologne un nouvel hassidisme : cette fois c’est un mouvement de réaction contre le formalisme des rabbins. L’animateur en est Israël ben Eliézer Miedziboz (1700-1760), surnommé Baal Shem Tov, « maître du bon nom », Besht en abrégé. Ce mystique s’appuie sur la Kabbale pour présenter un judaïsme à la fois très rigoriste et intuitif. Pour lui, Dieu est fondamentalement bon et l’homme est au centre de la création. Il soutient que la piété est plus importante que l’étude, ce qui convient bien à une époque où l’ignorance était quasi-générale et la superstition très répandue. Aidé par un talent de guérisseur et une réputation de faiseur de prodiges, Besht développe rapidement son mouvement au grand dépit des rabbins qui font brûler ses livres mais finissent par trouver un compromis avec lui.
Aujourd’hui, les hassidim ne constituent qu’une petite minorité du peuple juif, ils sont à peine quelques centaines de milliers. Cependant, leur communauté en Israël joue un rôle politique charnière entre la droite et les travaillistes, ce qui leur permet d’avoir une influence hors de proportion avec leur importance numérique. Le quartier de Mea Shearim, les « cent portes », est le bastion où ils vivent regroupés. On y trouve de nombreuses synagogues et écoles talmudiques mais on y est surtout frappé par la vie de la rue qui rappelle les ghettos d’Europe Centrale de jadis : les hommes en grands manteaux noirs et chapeaux à large bord parlent yiddish et portent barbe et favoris bouclés.
Le style de vie des hassidim est plus difficile à percevoir ; le plus étonnant est la condition de la femme : il lui est interdit de prendre ses repas à la table des hommes, sa sexualité n’est admise qu’en vue de la procréation, rien n’est fait pour qu’elle soit attrayante, elle ne doit pas se déshabiller complètement dans ses moments d’intimité conjugale et, plus curieux encore, elle est tondue et porte perruque.
Les karaïtes
Le mouvement karaïte est né à Baghdad au viir siècle ap. J.-C. Il se développa rapidement en Perse au IXe siècle puis dans le bassin méditerranéen en Crimée, en Lituanie et en Pologne. La communauté polonaise brûla particulièrement jusqu’au xixe siècle par sa vie religieuse et culturelle. Le mouvement perdit ensuite de son dynamisme et s’effondra fina¬lement sous les coups de l’hitlérisme. Les karaïtes ne sont plus guère aujourd’hui que quelques dizaines de milliers, dont environ 15 000 hors d’Israël (en Crimée où Catherine II leur accorda jadis un statut privilégié, en Lituanie, en Californie principalement).
Leur particularisme religieux se fonde sur le refus de la tradition ojrale rabbinique, et donc de la Mishnah et du Talmud. Ils interprètent avec la plus grande rigueur la loi biblique. Les points qui les séparent des autres juifs sont cependant nombreux : les karaïtes admettent de mélanger dans leurs repas des laitages et de la viande, ils ne portent pas de phylactères, se déchaussent avant d’entrer dans les synagogues, ne sonnent pas du chofar, ont un calendrier légèrement différent qui décale leurs fêtes religieuses, ils ne célèbrent pas la cérémonie de la bar mitzvah, etc.
Toutefois c’est en matière de mariage que les difficultés sont les plus grandes : comme les karaïtes ne reconnaissent pas les rabbins et que ceux-ci récusent les chachachim, chefs religieux du mouvement, les mariages entre juifs des deux communautés sont impossibles, d’autant plus que le mariage religieux est le seul reconnu par l’Etat d’Israël.
D’une certaine manière, par leur attachement exclusif aux Ecritures, on a pu dire que les karaïtes sont les « protestants » du judaïsme.
Les samaritains
Ce peuple garde une certaine notoriété grâce à la parabole du bon samaritain de l’Evangile et au grand magasin parisien de la Samaritaine2. Mais il existe encore quelques samaritains dont la religion est une variante éloignée du judaïsme.
L’hostilité des samaritains et des israëlites remonte au fond des âges puisque son origine porte sur l’emplacement choisi par Moïse pour bâtir le Temple : pour les juifs, il s’agit du mont Moriah à Jérusalem et pour
1. Leur nom se rattache à la racine sémitique kara – du mot « Coran » – signifiant « lire ».
2. Ce magasin doit son nom à une source située jadis au même endroit. La source elle-même évoque celle auprès de laquelle Jésus avait parlé avec une samaritaine. (Jean, IV, 7-26).
les samaritains du mont Garizim, près de Naplouse en Palestine, jadis la Samarie.
Du temps d’Alexandre le Grand, au IIIe siècle avant notre ère, il existait un temple sur chaque montagne et les rapports étaient déjà définitivement rompus entre les deux peuples.
Les samaritains se considèrent comme les authentiques et uniques gardiens de la Loi, mais ils n’acceptent comme livres sacrés de l’Ancien Testament que le Pentateuqueet le livre de Josué ils rejettent les prophètes et le Talmud, observent de la façon la plus rigoureuse les lois du sabbat et les rites alimentaires. A cet égard, les samaritains ont un rite d’égorgement des animaux différent du rite juif ce qui leur interdit le plus souvent de manger de la viande. Aujourd’hui en effet les samaritains ne sont plus qu’une infime minorité de quelques centaines de fidèles dont la plupart vit près de Naplouse.
Parmi les autres particularités de leur religion, signalons qu’ils ne portent ni châle de prière ni phylactères ; ils ont leur propre calendrier ; pour la Pâque, ils vont camper sur leur montagne sacrée où ils égorgent sept agneaux selon les rites anciens. Ils parlent entre eux un ancien dialecte araméen, mais le plus souvent emploient l’arabe.
C’est précisément parce que les samaritains étaient considérés par les juifs comme des hérétiques peu fréquentables que Jésus-Christ leur donna le beau rôle dans les Evangiles : cela soulignait l’ouverture d’esprit de son message religieux.
Les hébreux noirs
Les « hébreux noirs » sont peut-être l’un des plus étranges mouvements religieux qui prolifèrent aux Etats-Unis. Leur chef spirituel, Avie Ben Carter, un Noir américain, déclare être le Messie. Vers la fin des années 1960, il a convaincu ses disciples d’émigrer en Israël, qui est la mère-patrie des hébreux noirs, comme l’Afrique est leur pays-père. C’est ainsi que près de 1 500 Noirs américains se sont établis dans des villages de pionniers du désert du Néguev, tels que Dimona, Arad et Mitzpe Ramon.
Outre leur conception peu orthodoxe du messianisme, les Hébreux noirs se distinguent des juifs par la pratique de la polygamie, une alimentation strictement végétarienne et la prohibition de l’alcool. Toutefois, ils respectent le sabbat et les principales fêtes juives.
Depuis 1984, le ministère de l’intérieur israélien semble ne plus tolérer la présence des hébreux noirs 1 et un nombre important d’entre eux a été récemment expulsé vers les Etats-Unis.
Les tribus perdus d’Israël
Comme toute minorité attachée à ses particularismes, les juifs ont subi des persécutions, souvent sanglantes, tout au long de leur histoire.
Exilés en Egypte au milieu du IIe millénaire avant notre ère, à l’époque de Moïse, déportés à Babylone au VI siècle avant Jésus-Christ par Nabuchodonosor II, ils furent contraints de s’exiler à nouveau après la destruction du grand Temple de Jérusalem en 70 ap. J.-C.
Rien d’étonnant dans ces conditions que se soit produite à divers moments de l’Histoire une dispersion (diaspora en grec) des juifs dans divers pays de la Méditerranée et de l’Orient. Il faut ajouter qu’après la conquête d’Alexandre, au IV siècle avant notre ère, l’unité politique a favorisé des échanges commerciaux qui ont poussé de nombreux juifs à émigrer versl’Egypte ou la Syrie.
Il faut que la religion soit un ciment particulièrement puissant pour que le peuple juif ait conservé malgré tout son unité. L’une des croyances les plus indéracinables du judaïsme est précisément celle du retour sur leur terre de toutes les tribus d’Israël2. Ce grand rassemblement se produira dans un avenir indéfini et concernera aussi ceux qui, selon la mémoire collective du peuple juif, appartiennent à des « tribus perdues ».
Il s’agit peut-être d’une légende, mais celle-ci a la vie dure puisque ces tribus sont évoquées périodiquemenKà propos de peuples divers tels que les falashas d’Ethiopie, les Pashtouns d’Afghanistan, les Khazars du Nord du Caucase ou même les Indiens d’Amérique.
En ce qui concerne ces derniers, les mormons sont les seuls à croire qu’ils sont descendants d’une tribu d’Israël ; nous en traiterons au chapitre sur cette religion.
Les trois autres cas ne relèvent pas de la légende, mais de faits historiques dont les traces sont encore vivantes.
1- L’appellation a peut-être été inspirée par les « Musulmans noirs », plus connus sous leur nom anglais de Black Muslims.
2. Les douze tribus sont constituées des descendants des douze fils de Jacob, lui- meme petit-fils d’Abraham. Ce sont : Ruben, Siméon, Juda, Issachar, Zabulon, Joseph, Benjamin, Dan,Aser, Gad, Nephtali et Lévi. Les descendants de ce dernier, les lévites, étaient chargés du culte. De nombreux noms de juifs sont tirés de ceux des tribus.
ans 1 exil, ils furent abandonnés au profit de noms du pays d’accueil, fréquemment c sis en fonction de références subtiles au nom d’origine. Ainsi Nephtali, dont le symbole est un cerf, devint Hirsch qui signifie « cerf » en allemand ; Jacob, à cause e son puits, donna des Pozzo en Italie ; Juda, dont le symbole est le lion, donna owen ; quant à Lévi, il donna l’anagramme Veil…
Les falashas sont ces juifs d’Ethiopie qui apparurent dans l’actualité en 1985, quand un pont aérien israélien les sortit du Moyen Age et de la famine pour les rapatrier en Israël.
Quoique leur caractère juif ne fasse aucun doute, ils se sont détachés depuis si longtemps du tronc commun que la trace de leur histoire est bien incertaine. Eux-mêmes se disent descendants de la reine de Saba et du roi Salomon, qui vécurent des amours célèbres vers le Xe siècle avant notre ère. Le fils de cette union, le premier empereur d’Ethiopie Ménélik Ier, serait leur aïeul. C’est au IV c siècle que l’introduction du christianisme en Ethiopie les aurait refoulés vers le nord du pays où ils résident. Leur nom éthiopien de falasha signifie précisément « exilé ».
D’autres hypothèses ont été émises : ils auraient pu être convertis par des missionnaires juifs venus du sud de l’Arabie après la destruction du Temple au I » siècle ap. J.-C., ou provenir de colonies juives de Haute- Egypte descendues vers le sud après la première destruction du Temple en 586 av. J.-C.
Ils apparaissent avec plus de certitude dans l’Histoire vers le X siècle, quand ils fondèrent un royaume juif qui compta, dit-on, près d’un million de sujets. Mais ce royaume, pris entre les chrétiens coptes d’Ethiopie et les musulmans, s’effondra au XVIIe siècle. Au début du XXe siècle, les falashas ne sont guère plus d’une centaine de milliers, peu ménagés par le pouvoir éthiopien. Soumis à de nombreuses pressions et vivant misérablement, les falashas n’ont jamais perdu l’espoir de tout juif de retourner un jour en Israël, mais, jusqu’à une époque récente, ils se croyaient les seuls juifs existant au monde.
Quand les autres juifs découvrirent leur existence, les réactions furent mitigées ; certains se félicitèrent que Dieu ait permis d’aussi inattendues retrouvailles, d’autres les jugèrent encombrants et mirent en doute la pureté de leur judaïsme. Ce n’est qu’en 1975 que les grands rabbins d’Israël les reconnurent comme juifs à part entière, descendants de la tribu de Dan.
Toutefois, les pratiques religieuses des falashas diffèrent de celles des autres juifs par leur caractère archaïque. Ils observent scrupuleusement les rites alimentaires et s’interdisent d’allumer tout feu – même une bougie – pendant le sabbat. Les femmes s’isolent dans une hutte indépendante pendant la période de leurs règles. La vaisselle en argile qui sert au repas de la Pâque est détruite après usage, symbole du départ définitif d’Egypte.
Les falashas célèbrent les fêtes juives, à l’exception de celles établies depuis l’exil de Babylone, comme celle de Pourim. Cela confirme que leur séparation des autres communautés juives est antérieure à cet événement.
De leur vie en Ethiopie, ils gardent l’usage de la langue éthiopienne ancienne, le guèze, pour leur liturgie ainsi que le mot masguid, « mosquée », pour désigner leur synagogue.
En 1980, après l’installation d’un gouvernement marxiste à Addis- Abeba, l’Etat d’Israël décida de rapatrier ce qui pouvait l’être de la communauté falasha. Le pont aérien de « l’opération Josué » fut mis en lace en 1985 et près de 20 000 falashas retrouvèrent la Terre promise. Près de 15 000 autres les suivirent en 1991.
Toutefois, le choc culturel de ces juifs noirs venant d’un pays sous- développé avec l’univers de l’Etat hébreu ne fut pas sans poser de redoutables problèmes de part et d’autre. D’une part des juifs ultra- conservateurs, généralement ashkénazes, exigèrent des falashas une « conversion rigoureuse au judaïsme » comportant trois rites de « renouvellement de l’alliance » : circoncision, bain rituel et déclaration d’acception des lois religieuses.
Comme les falashas avaient très généralement déjà subi la circoncision et que l’opération ne peut évidemment se répéter, les rabbins puristes voulurent imposer une saignée pratiquée en piquant la verge à l’endroit du prépuce disparu. Ces prétentions furent ressenties comme infamantes et vexatoires par des gens qui avaient conservé héroïquement la flamme de leur judaïsme au cours des siècles. Les falashas eux-mêmes se trouvèrent choqués par le peu de respect des règles de la Torah par de nombreux juifs d’Israèl non-pratiquants. Parfois l’incompréhension des falashas n’était pas justifiée : ils s’indignaient de voir les Israéliens manger chaud pendant le sabbat, mais personne n’avait contre venu à la règle de ne pas allumer de feu ; on avait seulement utilisé une plaque chauffante électrique allumée depuis la veille.
Finalement les difficultés d’assimilation bien compréhensibles ont été dans l’ensemble surmontées, les falashas apprirent l’hébreu, langue sémite comme la leur, en un temps record, et Israël compte dorénavant une quarantaine de milliers de pieux citoyens supplémentaires.
Les Khazars sont un peuple turc qui occupaitjadis un vaste territoire au Nord du Caucase. Entre le VII et le Xe siècle, ils ont constitué un empire dont la puissance rivalisait avec celle des Byzantins de Constantinople et des Omeyyades de Damas. Leur rôle historique semble avoir été considérable puisqu’ils ont arrêté, comme Charles Martel à Poitiers, l’expansion de l’Islam vers les steppes de la Russie. Toutefois, leur histoire n’est connue qu’à travers les chroniques des peuples voisins, ce qui laisse subsister de grandes incertitudes sur leur civilisation et l’écroulement de leur empire.
Un fait troublant semble cependant certain, c’est la conversion au judaïsme du roi des Khazars et d’au moins une partie de son peuple vers le milieu du VII siècle de notre ère. Cette décision peut s’expliquer partiel¬lement par le souci politique de ne prendre position ni pour l’Islam ni pour le christianisme, religions des deux empires rivaux de celui des Khazars.
Une telle conversion n’est pas sans analogie avec celle de Vladimir yoy qui adopta, lui, le christianisme orthodoxe après avoir fait comparaître des représentants de toutes les grandes religions.
Le judaïsme des Khazars semble avoir été, à ses débuts, proche de celui des karaïtes dont la doctrine est sensiblement celle de la période la plus faste de l’empire khazar. Puis, sous l’influence de rabbins venus du Proche- Orient, on en serait venu à un judaïsme plus classique.
Ainsi, huit siècles après la destruction du Temple et la diaspora du peuple juif, il existait un empire de religion officielle juive mais dont la population était turque, c’est-à-dire non sémite et sans rapport de sang avec Abraham.
Après que les Russes eurent détruit l’empire khazar en 965, une part importante de sa population émigra vers l’ouest au point que la langue khazar était parlée conjointement avec le hongrois dans les territoires magyars au XIIe siècle.
L’écrivain Arthur Koestler en déduit, avec de solides arguments à l’appui, que la majorité des communautés juives d’Europe Centrale, provient de la communauté khazar et non pas des douze tribus d’Israël1. L’antisémitisme d’Hitler se serait donc exercé contre des non-sémites.
Les Pashtouns sont entièrement islamisés depuis l’an 662. Ils sont 7 millions en Afghanistan, le tiers de la population, et environ 12 millions au Pakistan où ils représentent 8 % du total des Pakistanais. La langue pashtou est indo-européenne, parente du persan avec lequel elle partage le titre de langue officielle de l’Afghanistan.
Redoutables guerriers, à l’esprit indépendant, ces montagnards sont bergers ou agriculteurs, et sont peu scolarisés. Leur type physique, leur teint clair et leurs yeux parfois bleus les distinguent des populations d’origine turque de la région.
Curieusement, de nombreux indices convergents laissent supposer qu’ils ont une lointaine origine juive : les enfants sont circoncis le huitième jour après leur naissance ; les femmes prennent un bain rituel après leurs règles ; les mariages se célèbrent sous un dais avec échange d’anneaux ; à partir de 13 ans, les hommes portent un châle de prière à franges qui rappelle le talit juif, mais sert de tapis de prière…
A ces coutumes s’ajoutent les données de la tradition orale. Selon les Pashtouns, leur origine remonterait à Afghana, fils de Jérémie et petit-fils légendaire du roi Saül. L’ancienne famille royale d’Afghanistan prétendait descendre de la tribu de Benjamin et du roi Saül. Les noms des groupes ethniques des Pashtouns évoquent ceux des tribus d’Israël : Rabani (Reuben), Shinwari (Siméon), Levani (Lévi), Daftani (Naphtali), Djadjani (Cad), Ashuri (Aser), Yusulzai (Joseph). Kaboul, la capitale de l’Afghanistan, porte le nom d’un ancien village de Samarie occupé par la tribu d’Aser. On trouve dans le musée de la ville une stèle du xr siècle exhumée dans un village pashtou qui porte cette curieuse inscription en
caractères hébraïques : «Je vis dans l’ombre de Dieu, la peur et la crainte nous attendent, les juifs mourront, les musulmans survivront ».
Ces différents indices conduisent l’institut Amishav de Jérusalem à approfondir l’histoire des Pashtouns dont le mode de vie reste, à vrai dire, très biblique .