La prière chrétienne
C’est, semble-t-il, dans le christianisme, surtout l’orthodoxie et le catholicisme, que la vie de prière revêt les formes les plus diversifiées. Selon
son plus ou moins grand degré d’intériorité, la prière va de la recherche d’une présence de Dieu par le rejet de toute pensée active à la lecture ou la récitation de prières toutes faites en passant par la méditation silencieuse sans formulation précise ou des prières personnalisées et structurées dites pour soi-même ou au sein de groupes de prières.
Aussi étrange que cela paraisse, la prière ne s’oppose pas à l’acüon, elle la précède, l’accompagne et la motive. Par la prière, le chrétien se confie à Dieu ; c’est sa façon d’affirmer et d’exercer sa liberté qui est de choisir Dieu. La prière est l’attitude naturelle du croyant, c’est, en quelque sorte, la respiration de son âme.
Pour qui ignore ce qu’est la prière chrétienne, le mieux est de l’observer chez ceux qui s’y consacrent totalement. Dans les ordres dits contemplatifs, les religieux et religieuses prient de longues heures du jour et de la nuit, tantôt dans la solitude, tantôt en communauté. Le temps consacré à la prière est pris sur celui que d’autres passent à leurs loisirs ou aux déplacements domicile-travail.
La vie en commun allège également la part des tâches ménagères. La prière n’exclut jamais le travail, physique ou intellectuel, qui assure la subsistance de la communauté et permet de rester solidaire du monde.
On pourrait penser qu’il est fastidieux de réciter des prières à longueur de vie, d’autant plus que les contemplatifs se recrutent parmi les gens les plus divers, généralement pleins de vie et de sens de l’initiative et souvent d’un niveau intellectuel élevé.
En fait, dans ces couvents, la prière n’est pas ressentie comme monotone pour de multiples raisons. D’une part les prières formelles qui sont récitées varient selon les jours de l’année et ne sont que le support de la méditation. D’autre part et surtout, la prière n’est pas à usage exclusivement personnel, au contraire : le moine ou la religieuse prie d’abord pour les autres, c’est dire que son champ d’action est illimité. Auxiliaires et serviteurs de Dieu, les religieux prennent à leur compte les besoins spi-rituels de ceux que la vie profane éloigne trop souvent de l’essentiel.
L’expression de cette solidarité se retrouve dans la prière communautaire par excellence qu’est la messe. La présence réelle de Jésus-Christ, à laquelle croient catholiques, orthodoxes et bon nombre de protestants est le signe de l’unité des chrétiens. Sans la référence à sa personne, à sa vie et à sa résurrection, le christianisme n’aurait plus aucun squelette. La messe est le lieu privilégié de rencontre avec Jésus-Christ et la prière est le dialogue que permet cette rencontre. Au sens étymologique, la prière est l’essence même de la religion, car elle relie l’homme à Dieu.
Le chrétien, surtout catholique ou orthodoxe, n’oublie pas que l’incarnation de Dieu en Jésus-Christ n’a été possible que grâce à l’acceptation de sa mère Mariel, aussi s’appuie-t-il naturellement sur celle qui a permis
cette intercession spirituelle décisive. La prière à Marie, comme celle aux différents saints, n’est pas de même nature que la prière à Dieu : elle s’adresse à des « avocats » pour lesquels le croyant ressent une affinité ou une admiration particulière ; l’efficacité de toute prière ne tient qu’à Dieu Lui-même.
La piété des fidèles multiplie à l’infini la forme extérieure de la prière. Chacun est libre de prier comme il lui convient ou de s’aligner sur des pratiques recommandées par son Eglise, comme la récitation du chapelet ou la participation au « chemin de croix » chez les catholiques.
L’Eglise n’impose aucune de ces formes de piété, pas plus qu’elle ne fixe d’horaire ou de rite particulier à leur accomplissement. C’est l’affaire de la sensibilité spirituelle de chacun.
L’absence de formalisme de la prière chrétienne va de pair avec la recherche personnelle d’un comportement conforme à ce que Dieu attend de chacun. Ce serait pure hypocrisie que de prier Dieu et d’agir comme s’il n’existait pas. A la limite, le comportement à lui seul pourrait être la meilleure des prières mais l’expérience montre que la meilleure initiation à un tel comportement passe par la prière elle-même.