La rose-croix
L’Ancien et Mystique Ordre rose-croix (A.M.O.R.C.) se défend vigoureusement d’être une religion : c’est une « organisation fraternelle à l’échelle mondiale qui enseigne une philosophie métaphysique et physique ». Il s’agit d’éveiller les facultés de l’homme pour qu’il mène une vie plus heureuse et plus utile. L’ordre, association à but non lucratif, se préoccupe des mystères du temps et de l’espace, de la conscience humaine, de la nature de la matière et de ses effets sur l’esprit et le corps, des émotions et de l’instinct, etc.
Tout en reconnaissant les succès de la science, l’A.M.O.R.C. considère que les questions essentielles sont hors de sa portée et propose sa conception du monde : il donne une place importante et mystérieuse à d’anciennes philosophies. En particulier, le symbolisme de la rose et de la croix se rattache, selon l’ordre, au plus profond de l’Antiquité égyptienne. La croix n’a donc rien à voir avec celle du christianisme.
L’ordre se déclare ouvert à toute personne qui s’intéresse à son enseignement et à son mysticisme, indépendamment de toute croyance et de toute religion.
L’ordre publie et distribue gratuitement une brochure intitulée La Maîtrise de la vie destinée à ceux qui n’en sont pas membres. Les membres reçoivent une instruction orale au sein des groupes dont ils font partie. Ils étudient en outre des manuscrits qui les initient à des exercices.
L’A.M.O.R.C. n’est pas sans analogie avec certaines formes de franc- maçonnerie. Il est présent dans de nombreux pays. Le centre en est à San José, en Californie, où existe une université rose-croix.
Dans la pratique, toute personne qui s’intéresse à l’A.M.O.R.C. est reçue avec la plus grande amabilité, elle est invitée sans engagement à participer à des réunions où l’on fait valoir le développement de la personnalité qu’une présence plus continue pourra procurer. Le versement d’une participation financière donne accès à des réunions et à des publications qui permettent de s’assurer de la persévérance du postulant. Au bout d’un
an, les sujets susceptibles de recevoir une « initiation » plus approfondie sont sélectionnés. Ceux-ci sont invités à recruter d’autres adeptes et encouragés, contrairement aux principes déclarés, à renoncer aux croyances autres que celles du mouvement.
Les membres des échelons supérieurs de l’Ordre font preuve d’une grande solidarité entre eux. Ce réseau efficace de relations, bien plus que le mysticisme, explique la réussite matérielle de nombre de rosicruciens, parmi lesquels certains dirigeants d’Afrique Noire.
En fait, la mystique paraît bien éloignée des préoccupations de ces personnages, à moins qu’il ne s’agisse d’une entreprise de déification de l’homme. Comment expliquer autrement l’autel que le disciple est prié d’installer chez lui et dont la pièce essentielle est un miroir entouré de baguettes d’encens ? Chacun se voit ainsi dans le miroir comme la divinité de son propre culte. Un cahier personnel où chacun relate les progrès de sa méditation complète la panoplie narcissique du disciple.
Chaque jeudi, une soirée d’étude tient lieu de grand-messe. On y emploie des formules rituelles qui sont comme le négatif de celles de l’Eglise catholique (par exemple : « qu’il en soit ainsi », au lieu de « ainsi soit-il »).
Curieusement, chaque disciple peut faire appel, chaque jour entre 12 h et 12 h 20, à un « comité d’entraide spirituelle » sur lequel il se branche par la pensée et dont il attend lumières et soutien.
L’exaltation de la puissance de l’homme situe les rosicruciens à l’opposé des croyants qui voient au contraire leur réussite et leur épanouissement à travers la reconnaissance de la toute-puissance de Dieu. D’un point de vue théologique, on pourrait soutenir que l’Ordre de la rose-croix se comporte comme une anti-religion que certains n’hésitent pas à considérer comme d’essence satanique.
L’ordre compte environ 6 millions de membres dans le monde, dont 160 000 en France.