La solidarité
Rester
solidaires
du
monde
où
nous
vivons
est
une
condition
primordiale
de
notre
bonheur.
C’est
aussi
une
vérité
généralement
méconnue.
Dès
que
notre
âge,
notre
goût
de
la
liberté,
notre
dynamisme
ou
notre
position
sociale
nous
font
croire
que
nous
pouvons
nous
passer
des
autres
ou
nous
passer
de
Dieu,
nous
avons
la
tentation
de
voler
de
nos
propres
ailes
en
coupant
les
liens
qui
paraissent
nous
entraver.
Cette
position
est
injuste,
inefficace
et
dangereuse.
Elle
est
injuste,
car
la
lucidité
devrait
nous
faire
sentir
à
quel
point
tout
ce
que
nous
sommes
résulte
de
la
solidarité
que
d’autres
ont
témoigné
à
notre
égard
:
un
enfant
ne
vit
que
grâce
aux
soins
de
ses
parents,
un
adulte
se
nourrit
chaque
jour
du
produit
du
travail
d’une
multitude
de
gens.
Même
si
les
services
dont
nous
bénéficions
sont
rémunérés,
directement
ou
par
l’impôt,
cette
rémunération
est
aussi
l’expression
de
la
solidarité
entre
les
hommes.
Puisque
toute
société
est
un
tissu
complexe
de
liens
de
solidarité,
nous
ne
pouvons
honnêtement
rejeter
nos
devoirs
de
solidarité
envers
les
autres
sans
rejeter
toute
société…
et
encore,
l’hypothèse
selon
laquelle
nous
serions
capables
de
vivre
en
autarcie
comme
Robinson
Crusoé
est
hautement
improbable
:
même
si
elle
était
imaginable,
nous
aurions
encore
des
devoirs
de
solidarité
à
l’égard
d’une
société
qui
nous
aurait
permis
de
devenir
un
tel
surhomme.
Si
la
justice
élémentaire
exige
ainsi
que
nous
«
renvoyions
l’ascenseur
»
à
la
société
qui
nous
a
formés,
la
solidarité
est
également
nécessaire
pour
des
raisons
d’efficacité.
Chacun
sait
aujourd’hui
que
le
travail
en
équipe
est
le
seul
qui
permette
de
grandes
réalisations
scientifiques
ou
techniques.
On
imagine
mal
un
bricoleur
de
génie
allant
sur
la
Lune.
Même
un
travail
aussi
personnel
que
la
rédaction
d’un
livre
ne
prend
sa
valeur
que
grâce
à
une
équipe
d’édition
et
un
public
de
lecteurs.
Si
nous
voulons
participer
à
un
certain
progrès
de
l’humanité,
la
solidarité
est,
à
coup
sûr,
la
condition
de
l’efficacité,
y
compris
dans
le
domaine
moral.
Enfin
il
est
dangereux
de
se
priver
par
orgueil
de
ce
que
peut
nous
apporter
notre
entourage
:
il
est
souvent
le
mieux
placé
pour
apprécier
et
tester
nos
actions.
Pratiquement,
dans
la
vie
courante,
la
solidarité
s’exerce
à
différents
niveaux
qui
forment
comme
autant
de
cercles
concentriques
:
envers
la
famille,
la
ville
et
le
pays
auxquels
on
appartient,
envers
le
monde
culturel
auquel
on
est
attaché,
y
compris
éventuellement
une
religion,
envers
l’humanité
en
général
et
plus
globalement
envers
la
création.
Pour
les
croyants
en
un
Dieu
personnel,
il
existe
aussi
une
solidarité
avec
Dieu
puisque
nous
participons
à
sa
création.
L’exigence
de
ces
différentes
formes
de
solidarité,
qui
sont
l’expression
de
l’amour,
couvre
donc
un
champ
immense
et,
pour
tout
dire,
l’ensemble
de
notre
vie.
Ce
sont
bien
sûr
les
cercles
les
plus
proches
de
nous
qui
sont
prioritaires
pour
la
simple
raison
que
nos
actes
ont
plus
d’impact
dans
un
rayon
proche
et
s’amortissent
avec
l’éloignement.
Par
exemple,
il
est
souhaitable
de
traiter
la
nature
avec
respect,
de
ne
pas
la
polluer
ni
de
couper
d’arbres
sans
nécessité,
ni
de
maltraiter
les
animaux,
mais
il
serait
dérisoire
d’atteindre
une
sorte
de
perfection
sur
ce
plan
si
l’on
était
incapable
de
se
comporter
avec
tendresse
vis-à-vis
de
sa
famille.
La
famille
constitue
le
premier
cercle
de
solidarité.
C’est
le
lieu
privilégié
d’un
amour
assez
chaud
pour
être
communicatif.
Tous
les
éducateurs
s’accordent
à
reconnaître
qu’elle
n’a
pas
de
substitut,
bien
qu’illogiquement
certains
d’entre
eux
en
pratiquent
le
sabotage
au
nom
d’idées
fumeuses
et
perverties
sur
la
liberté.
Certes,
la
famille
peut
être
un
échec,
mais
précisément
quand
elle
n’est
pas
un
foyer
de
solidarité
:
celle
du
père
et
de
la
mère
d’abord,
mais
aussi
des
enfants
qui
participent,
selon
leur
âge,
à
la
vie
de
la
communauté
au
point
qu’ils
sont
le
plus
sûr
garant
de
la
vieillesse
heureuse
des
parents.
Ceux
qui,
hélas,
n’ont
pas
la
chance
de
connaître
une
joie
familiale
pure
peuvent
s’efforcer
de
trouver
de
l’affection
auprès
d’un
chien
fidèle
ou
d’en
donner
à
des
bébés
phoques
;
rien
n’est
à
rejeter
de
ces
tentatives
attendrissantes
de
créer
de
l’amour,
mais
on
conviendra
qu’elles
ne
sont
qu’un
pâle
reflet
de
ce
qu’apporte
la
famille
;
la
raison
en
est
simple,
ces
affections
de
substitution
ne
contribuent
pas
à
l’œuvre,
d’éducation
et
de
progrès
de
l’humanité
à
laquelle
nous
sommes
tous
appelés,
selon
nos
moyens,
que
nous
le
voulions
ou
non.
Aussi
la
famille
ne
constitue-t-elle
pas
le
champ
clos
d’un
amour
égoïste,
elle
ne
peut
rayonner
qu’en
s’ouvrant
à
d’autres
cercles.
Le
pays
en
est
un
bon
exemple.
Le
terme
un
peu
vieilli
de
patrie
exprime
d’ailleurs
bien
qu’il
s’agit
de
l’élargissement
de
la
famille
à
la
terre
des
ancêtres.
La
collectivité
sociale
ne
peut
être
solide
sans
un
certain
sens
de
la
patrie.
Nous
ne
sommes
pas
rassemblés
par
hasard
sur
un
coin
de
terre.
Un
pays
n’est
pas
formé
d’un
échantillon
représentatif
de
tous
les
peuples
de
la
terre.
Quelque
chose
unit
ses
habitants
qui
s’appelle
leur
histoire
ou
leur
culture,
c’est
un
acquit
sur
lequel
se
bâtit
l’avenir.
Négliger
cette
réalité
revient
à
repartir
à
zéro
:
la
tentative
des
Khmers
Rouges
de
créer
un
peuple
nouveau
détaché
de
sa
culture
ancienne
est
un
exemple
a
méditer
de
la
monstruosité
de
chercher
un
progrès
par
un
déracinement.
Naturellement,
la
construction
d’un
pays,
son
développement
harmonieux,
matériel,
culturel
et
spirituel,
est
une
tâche
encore
plus
difficile
que
celle
de
réussir
une
famille.
On
constate
d’ailleurs
que
la
solidarité
nationale
est
moins
aisée
à
réaliser
que
la
solidarité
familiale
:
si
un
enfant
des
Dupont
se
retrouve
en
prison
à
la
suite
d’une
erreur
de
jeunesse,
la
famille
en
sera
émue,
peut-être
même
cherchera-t-elle
à
le
réinsérer
;
mais
que
40
000
Français
soient
en
prison
pour
des
délits
divers,
la
collectivité
nationale
ne
souhaite
qu’une
chose,
c’est
qu’ils
y
restent
et
qu’on
ne
lui
en
parle
pas.
Pourtant
il
existe
bien
certaines
formes
de
solidarité
nationale
qui
se
manifestent
parfois
héroïquement
lors
d’agressions
extérieures.
Plus
prosaïquement
il
suffit
d’une
équipe
de
football
pour
faire
découvrir
à
un
peuple
ce
qu’il
a
en
commun.
C’est
d’ailleurs
un
étonnant
sujet
de
méditation
que
de
voir
comment
le
chauvinisme
sportif
sert
de
substitut
à
un
patriotisme
auquel
on
a
donné
mauvaise
conscience.
Mais
ce
qui
a
été
dit
à
propos
de
la
famille
est
aussi
vrai
pour
le
pays
:
il
existe
un
risque
de
repli
égoïste
sur
la
nation,
la
race,
la
communauté
religieuse,
comme
il
existe
un
risque
d’égoïsme
familial.
L’ouverture
au
monde,
la
prise
de
conscience
de
la
fraternité
de
tous
les
hommes,
est
une
autre
forme
d’une
nécessaire
solidarité,
mais
elle
est
déjà
plus
difficile
à
pratiquer.
Bien
que
la
vie
nous
fasse
sentir
chaque
jour
nos
liens
d’interdépendance
avec
nos
compatriotes,
nous
tendons
trop
souvent
à
disjoindre
nos
beaux
sentiments,
tout
théoriques,
de
la
pratique
d’une
véritable
solidarité
universelle.
Il
reste
une
solidarité
qui
est
encore
insuffisamment
perçue
:
c’est
celle
de
l’ensemble
de
la
Création,
c’est-à-dire
notre
solidarité
en
Dieu
le
Créateur.
Il
serait
bien
utile
d’en
prendre
conscience,
ne
serait-ce
que
pour
relativiser
nos
différences
et
accepter
de
travailler
en
commun
à
tout
ce
qui
peut
être
amélioré
sur
cette
terre,
en
nous-mêmes,
dans
notre
famille
ou
dans
notre
pays.
Seul
Dieu
donne
sa
dimension
à
la
solidarité
des
hommes
dans
le
temps.
C’est
Lui
qui
a
créé
les
lois
de
l’évolution,
ce
qui,
à
la
limite,
nous
rend
aussi
solidaires
du
singe
et
du
protozoaire.
Si
nous
acceptons
de
regarder
le
monde
ainsi,
peut-être
préférerons-nous,
plutôt
que
de
nous
agiter
sans
but
sous
l’impulsion
de
notre
jouissance
immédiate,
participer
à
une
œuvre
dont
l’utilité
nous
ramène
au
Créateur.
Dans
ce
sens,
la
solidarité
est
synonyme
de
continuité
et
d’évolution
et
le
paradis
qu’espèrent
les
hommes
de
bonne
volonté
a
des
chances
d’être
le
prolongement
transcendé
et
libéré
du
temps
de
la
vie
que
nous
aurons
vécue.
Le
thème
chrétien
de
la
Communion
des
saints
n’est
d’ailleurs
pas
autre
chose
que
l’expression
de
la
solidarité
au
travers
du
temps
de
tous
ceux
qui
ont
mis
leurs
forces
au
service
de
la
création
telle
que
Dieu
la
veut.