La théologie orthodoxe
Quelles sont les subtiles différences séparant les orthodoxes < leurs frères catholiques ou protestants ? Comme Rome, ils insistent sur la hiérarchie dans l’Église instaurée par le Christ, sur la suce sion apostolique mais avec une nuance importante. Là où l’Eglise catholique affirme la suprématie et la juridiction universelle pape, l’Église ou plutôt les Églises orthodoxes ne reconnaissent q l’autorité supérieure du collège des évêques et des conciles œcuméniques. Conséquence logique, si les catholiques croient en l’infaillibilité du pape, les orthodoxes ne la voient que dans l’Eglise tôt;
Ce qui ne va pas sans créer quelques difficultés pour connaître l’opinion de l’Église totale sur des points dogmatiques précis. Mais orthodoxes n’ont pas éprouvé le besoin de définir les dogmes comme l’a fait la rationalité latine. Les catholiques ont même 1dance à reprocher aux orthodoxes le flou de leurs positions théologiques même s’ils en admirent le côté mystique. Il est vrai que théologie orthodoxe considère toujours l’Église par rapport Christ et à l’Esprit-Saint tandis que les catholiques la voient davantage comme une organisation temporelle.
L’historique des Églises Orthodoxes a montré combien elles avaient été marquées par l’histoire profane : conflits avec la culture latine allant jusqu’à la rupture ; traumatisme lors du sac de Constantinople par les Croisés ; choc encore lors des invasions musulmanes et enfin, et peut-être le plus dur, domination de l’athéisme militant au XXe siècle. Malgré ou peut-être grâce à ces pressions extérieures, cette Église – au demeurant décentralisée – a su garder sa profonde originalité : elle n’a jamais connu de radicale remise en question ; en donnant parfois l’impression d’être un peu hors du temps, elle continue son chemin imperturbablement « n’ajoutant rien et ne retranchant rien », gardant la tradition reçue.
Cette tradition doit être comprise comme l’héritage religieux et culturel du christianisme originel — la Bible — auquel se sont ajoutés au cours des siècles les décrets des conciles œcuméniques, les écrits patristiques, les livres liturgiques sans oublier les icônes et toutes les œuvres d’art créées par le monde orthodoxe. Tout n’est pas de la même importance dans la tradition et, aujourd’hui, avec le choc de la modernité et les confrontations œcuméniques, les théologiens sont obligés de retourner à l’essentiel et d’avoir une tradition « créative ».
La Bible est la même que celle de toute la chrétienté, la version retenue de l’Ancien Testament étant celle des Septante, ancienne traduction grecque. Les divergences avec la version hébraïque sont considérées comme étant inspirées par l’Esprit-Saint. L’étude critique de la Bible n’a jamais été très développée dans l’Église orthodoxe bien qu’elle ne l’interdise pas.
Les définitions doctrinales des sept conciles œcuméniques sont considérées comme définitives. Certains points doctrinaux ont encore été formulés par la suite soit par des conciles locaux, soit par des « exposés de foi » exprimés par des évêques. Mais ces nouveaux points doctrinaux n’acquièrent une portée œcuménique que s’ils sont approuvés par l’ensemble de l’Église. La doctrine définie par les conciles doit être étudiée, interprétée au travers des écrits et commentaires patristiques. Les Pères de l’Église les plus respectés, les trois grands hiérarques, sont Grégoire de Nazianze, Basile le Grand et Jean Chrysostome.
La liturgie orthodoxe a été moins explicite que la catholique sur des sujets tels que les sacrements, l’au-delà, la Vierge Marie, les saints ou les fidèles défunts mais cela n’empêche pas les orthodoxes d’exprimer, sur ces sujets, leurs croyances par les prières et les services religieux, par les gestes et les actions.
L’Église orthodoxe possède aussi son droit canon, peu connu en Occident. Il constitue l’intermédiaire entre les dogmes et la vie journalière du croyant mais beaucoup de ses règles sont, dans le
contexte moderne, difficiles ou même impossibles à appliquer. Enfin, spécificité de l’Église orthodoxe, les icônes sont considérées comme des intercesseurs de grâces, des intermédiaires entre Dieu et les hommes : avec elles, les croyants entrevoient le monde spirituel. Ces icônes doivent respecter des critères très précis : l’artiste ne peut exprimer son talent que dans des limites définies par la tradition.
Si les théologies orthodoxes et catholiques sont très semblables, quelques points de doctrine symbolisent leur séparation. Les plus connus sont ceux du filioque et de la primauté de l’évêque de Rome. Le premier point symbolise les arcanes « byzantines » tant il paraît dérisoire de se prononcer sur les relations existant entre les trois personnes divines, surtout pour la théologie orthodoxe qui se veut apophatique. Elle estime en effet que Dieu étant transcendant, il est impossible d’en connaître la nature ; seul peut être approché ce qui entoure sa nature. Cette sage réflexion n’a pas empêché les théologiens de se disputer sur le fait de savoir si l’Esprit procédait du seul Père ou également du Fils. Pour les orthodoxes, le Christ envoie l’Esprit, mais celui-ci procède du Père seul. Tandis que pour les catholiques, l’Esprit procède aussi du Fils.
Pour certains théologiens, ces subtilités trinitaires seraient liées à un problème très actuel : celui de la primauté du successeur de Pierre. Les orthodoxes n’ont jamais accepté les définitions données par le concile Vatican I de 1870 sur l’infaillibilité du pape et surtout sur sa juridiction suprême et cela malgré de nombreuses tentatives de rapprochement. En 1996, le Patriarche Bartholomée de Constantinople a encore rappelé que ce problème, non résolu depuis les premiers siècles du christianisme, constituait le principal obstacle sur le chemin de l’unité des Eglises.
Le clergé orthodoxe comprend les moines qui font vœu de chasteté et les prêtres qui sont, en général, mariés. Toutefois le mariage doit précéder l’ordination et les évêques sont toujours choisis parmi les moines. Dans l’Église primitive, l’évêque était élu par l’ensemble du diocèse, fidèles compris ; mais actuellement les nominations épiscopales sont effectuées par le synode dirigeant chaque Eglise autocéphale. Toutefois, Antioche et Chypre ont gardé les vieilles traditions démocratiques et élisent encore leurs évêques.
Conséquence du mariage autorisé des prêtres ? Le divorce l’est aussi, les orthodoxes n’étant pas plus chrétiens que Saint Matthieu. Toutefois le droit canon n’autorise que trois divorces, ce qui est déjà considérable. Quant aux problèmes de la morale sexuelle, l’Église orthodoxe se montre plus humaine, plus conciliante que l’intransigeante Rome. En général, elle a évité de légiférer sur les domaines sensibles qui suscitent tant de stériles débats chez les catholiques :
« Nous, pasteurs, nous n’avons pas le droit d’entrer dans la chambre à coucher de nos fidèles » disait sagement le Patriarche Athénagoras suite à la publication d’ Humanae Vitae. Vis-à-vis du problème de la fivète, l’Eglise orthodoxe a aussi une attitude beaucoup plus ouverte et a évité de la condamner radicalement comme l’a fait le Vatican. Toutefois, l’Église orthodoxe reste opposée, au nom de la tradition bien sûr, à l’ordination d’êtres humains féminins qui sont, par ailleurs, invités au ministère diaconal.
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