L'attente du messie
Du rêve à la réalité
Il a bien fallu se rendre à l’évidence, des messies, au sens de rois consacrés, on en a eu tout plein, mais les temps messianiques, eux, ne se levaient toujours pas. Le prophète Samuel n’avait vu que trop juste : généralement, les rois se préoccupaient moins du bonheur de leur peuple que de leurs propres ambitions : leur goût du pouvoir et de la richesse, leur amour de la guerre ont bien souvent fait le malheur de leur peuple. On sait par exemple que les travaux somptuaires de Salomon l’ont amené à lever des impôts exorbitants ; et c’est ce qui a provoqué la révolte de palais qui a suivi sa mort et entraîné la division du peuple en deux royaumes trop souvent rivaux et ennemis. En fait du bonheur promis aux descendants d’Abraham, c’était le schisme et, avec lui, le germe de bien des guerres et des malheurs.
Malgré tout, chaque fois qu’un nouveau roi succédait à son père sur le trône de Jérusalem, on se remettait à rêver ; et de roi en roi, de génération en génération, de siècle en siècle, il fallait bien se résigner à attendre encore et encore. Pas question de cesser d’y croire, mais on a appris la patience. Car, devant ces échecs répétés, la merveille de la foi, c’est que le peuple continu à attendre, à espérer. Pourquoi ? Mais, tout simplement, parce que Dieu s’est engagé par serment ! ! ! On se rappelle la fameuse promesse faite à David : on sait (parce que, en son temps, le prophète Natan l’a promis au nom de Dieu) que la maison de David verra un jour la naissance du roi idéal. Et le miracle commence là, oserons-nous dire : la foi dans les promesses de Dieu l’emportera toujours sur les déceptions de l’histoire : on continuera d’attendre, envers et contre tout, celui qui portera dignement le nom de messie.
L’espérance naît de la déception
Et c’est là qu’est née la fameuse attente messianique : elle est née, paradoxalement, de la déception engendrée par la royauté ; c’est précisément parce qu’on est déçus, encore et toujours, qu’on relit la promesse et on accepte simplement de voir sa réalisation reculer dans le
temps. « Si ce n’est pas celui-là, ce sera le suivant ! » On sait que les fameux temps messianiques de paix, de justice, de bonheur, en un mot de « shalom », comme on dit là-bas, viendront forcément puisque Dieu l’a promis. Mais il y faudra le temps. Et depuis que cette espérance messianique est née, en Israël, on est entrés dans le temps de la patience.
Les prophètes ont joué là un rôle majeur : ne cessant de rappeler aux rois successifs leurs responsabilités tout en maintenant le peuple dans l’attente. C’est cette espérance invincible qui a soutenu le peuple juif dans les périodes les plus sombres de son histoire. On s’appuie sur la fameuse promesse de Dieu à David : quand on chante le psaume 89/88, par exemple, on la rappelle : « J’ai juré à David mon serviteur : j’établis ta dynastie pour toujours, je t’ai édifié un trône pour tous les siècles. » Et on sait bien que cette dynastie n’a d’autre raison d’être aux yeux de Dieu que le bonheur et la sécurité de son peuple.
Car un prophète ne perd jamais confiance ! Et c’est peut-être à cela qu’on pourrait reconnaître un vrai prophète : quelqu’un qui, au sein des situations apparemment les plus désespérées, continue à proclamer que Dieu est là. Cela ne veut pas dire que tout va s’arranger comme par magie, cela veut dire simplement, même si ce n’est pas toujours facile, qu’il faut à tout prix garder confiance.