L'attente du Messie: Le roi à revenir, un jeune rameau sur le vieil arbre
Encore un miracle de l’espérance : puisque Dieu est fidèle, on est certains que la dynastie de David se relèvera. Alors un nouveau vocabulaire va se développer chez les prophètes sur le thème de l’arbre généalogique ; celui de la famille royale est né jadis avec Ruth et Booz puis Oved, puis Jessé puis David ; il est apparemment mort avec Sédécias ; mais, au fait, vous savez bien qu’un arbre qui paraît mort peut fort bien revivre, un germe peut apparaître sur la souche apparemment morte, elle peut pousser un rejeton. Et alors ces mots, germe, rejeton, rameau vont devenir chez Jérémie et Ezéchiel, les prophètes de la période de l’Exil à Babylone, une nouvelle manière d’annoncer le Messie malgré tout. Isaïe avait déjà utilisé, avant l’Exil, en période de découragement, cette image de l’arbre généalogique et du germe dans le même sens, mais c’est avec Jérémie, Ezéchiel, puis Zacharie que l’image est reprise et développée.
Jérémie, par exemple, annonce de la part de Dieu : « Des jours viennent, oracle du Seigneur, où je susciterai un germe juste » (Jérémie 23, 5). Décidément la foi fait dire des choses incroyables et c’est la foi qui a raison, bien sûr ! La foi des prophètes de l’Exil dans les promesses de Dieu était telle qu’ils ont eu l’audace de reprendre dans leur prédication tous les thèmes royaux alors même qu’il n’y avait plus de roi ! Leur unique objectif, garder vivante malgré tout cette espérance chez les croyants. Ils avaient mille formules, mille images pour dire ce même message : gardez confiance, Dieu n’a pas oublié ses promesses, le roi juste finira par venir.
Ezéchiel, entre autres, reprend le thème bien connu du berger ; il sait, il pressent et il annonce que Dieu interviendra pour que les brebis (son peuple) connaissent des jours meilleurs, pour qu’elles aient enfin un bon berger. Et cela nous vaut des textes magnifiques que nous connaissons bien, par exemple : « Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je viens chercher moi-même mon troupeau pour en prendre soin. De même qu’un berger prend soin de ses bêtes le jour où il se trouve au milieu d’un troupeau débandé, ainsi je prendrai soin de mon troupeau » (Ézéchiel 34, 11-12).
Plus profondément, les prophètes ancrent la foi du peuple dans la certitude que l’Alliance avec Dieu est toujours en vigueur ; or le peuple, découragé par l’Exil qu’il ressent comme une disgrâce, ne sait que trop qu’il a bien souvent manqué à l’Alliance, et à ses promesses de pratiquer la loi de Dieu ; de là à croire que Dieu lui-même récuse cette Alliance, il n’y a qu’un pas ; c’est alors que Jérémie prononce lui aussi un oracle célèbre sur le thème : Dieu reste fidèle à son Alliance et il trouvera bien le moyen de vous rendre fidèles, vous aussi : « Des jours viennent – oracle du Seigneur – où je conclurai avec la communauté d’Israël et la communauté de Juda une nouvelle alliance… Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes, je l’inscrirai dans leur cœur. Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple » (Jérémie 31, 31-33). C’est cette certitude qui permettra au peuple de continuer à espérer, quoi qu’il arrive, et quelles que soient ses propres fautes.
Ainsi les prophètes maintenaient-ils vivante l’espérance du peuple ; mais de siècle en siècle, la venue de ce roi idéal était indéfiniment repoussée dans le futur, si bien qu’on a peu à peu admis l’idée qu’elle coïnciderait avec la fin des temps ; le mot « messie » prenait donc progressivement un sens nouveau : il était celui qui apporterait avec lui le renouvellement définitif de toutes choses.
Voici donc comment on pourrait résumer l’attente du roi-messie : c’est un descendant de David, régnant à Jérusalem, dans un pays libre, et instaurant définitivement la paix, le bonheur, la fraternité universelle (ce que l’on appelle « l’ère messianique »).
Jusqu’ici, nous le voyons, on a appris à différer l’attente, sur le thème : Dieu a promis un Messie dans la descendance de David ; il n’est pas encore là ? Gardons confiance, si ce n’est pas pour aujourd’hui, c’est pour demain. C’est cela que l’on pourrait appeler « l’attente différée ». Et on s’exhorte à la patience : « Pour Dieu, mille ans sont comme un jour » dit le psaume 90/89.