L'attente du Messie: l'Emmanuel et le vocabulaire de l’espérance
l’Emmanuel
Le prophète Isaïe nous en donne un bel exemple. On était en 736/735 av. J.-C., en pleine guerre, et le roi Akhaz venait de monter sur le trône à vingt ans ; les ennemis étaient aux portes de Jérusalem, le grand empire assyrien d’un côté, les deux rois de Samarie et de Damas de l’autre ; ce pauvre roi de vingt ans était complètement dépassé par les événements : il se sentait pris en tenaille et sur ce point, il n’avait pas tort.
Il n’avait oublié qu’une chose : quand on est le roi de Jérusalem, le descendant de David, et donc l’héritier des promesses de Dieu, on n’a pas le droit de trembler, ou alors, c’est qu’on a perdu la foi : ce qu’ Isaïe lui a dit dans une phrase lapidaire : « Si tu ne t’appuies pas sur Dieu, tu ne tiendras pas debout ! » (Isaïe 7, 9). De deux choses l’une, ou Dieu a promis son soutien permanent à la dynastie de David, ou bien il n’a pas promis ; mais oui, bien sûr, Dieu a promis, donc, gardons confiance et ne faisons pas n’importe quoi.
Mais on sait bien que la panique est mauvaise conseillère : Akhaz n’a rien trouvé de mieux à faire que de sacrifier son fils, un tout petit garçon, à l’idole du moment, un dieu qu’on appelait Moloch. Non seulement, c’est un manque de confiance en Dieu caractérisé, non seulement c’est un péché très grave, puisque tout sacrifice humain est strictement interdit en Israël, mais c’est aussi la fin de la dynastie de David, puisqu’il a tué de ses propres mains le dauphin. Une fois de plus, c’est l’homme qui s’ingénie à saboter le projet de Dieu.
Évidemment Akhaz ne s’est pas vanté de son geste devant le prophète, mais, visiblement, Isaïe est au courant. Il ne se fait sûrement plus d’illusions sur Akhaz lui-même, ce n’est vraiment pas lui le Messie attendu, celui qui nous apportera la sécurité, la paix, la justice et le droit, comme on aime à dire dans les Psaumes et comme Isaïe aime à dire lui-même. Mais comme tout prophète, il est croyant et donc il se dit, si ce n’est pas celui-là, ce sera le suivant. Oui, mais le suivant, il n’y en aura peut-être pas puisque Akhaz l’a supprimé.
Et c’est là que la foi fait dire des choses admirables : Isaïe comprend que même nos gestes les plus fous ne peuvent anéantir la promesse de Dieu. Alors il fait cette annonce extraordinaire : « Tu as tué ton fils, certes, mais déjà ta femme en attend un autre. » Cela nous vaut cet oracle que nous connaissons bien : « Ta jeune femme est enceinte et elle attend un garçon qu’on appellera Emmanuel (ce qui signifie « Dieu est avec nous » ; Isaïe 7, 14). Effectivement, quelques mois plus tard, naissait Ezéchias le fils d’Akhaz justement. Décidément nous n’arriverons pas à décourager Dieu.
Hélas, il a bien fallu l’admettre : Ezéchias non plus n’a pas comblé toutes les espérances qui pesaient sur lui ; mais l’oracle d’Isaïe n’a pas perdu sa force de persuasion : alors on l’a lu et relu comme une promesse encore à venir !
Le vocabulaire de l’espérance
Vers la même époque, reprenant une image habituelle dans le vocabulaire royal, celle du berger, le prophète Michée annonçait : « Et toi, Bethléem Ephrata, trop petite pour compter parmi les clans de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël… Il se tiendra debout et fera paître son troupeau par la puissance du Seigneur… lui-même il sera la paix » (Michée 5, 1 – – • 3)- Il voulait dire par là, que le Messie, le bon roi qu’on attendait, viendrait de Bethléem, ce qui n’étonnait personne à 1 époque puisque ce devait être un descendant de David, le petit berger devenu roi par la volonté de Dieu. « Il sera la paix » voulait bien dire ce que l’on savait déjà, à savoir que le Messie instaurerait le temps de bonheur pour tous et de paix, de « shalom », ce qui est justement au centre des promesses de Dieu.
Vers la même époque, probablement, le prophète Isaïe, encore lui, a inventé une nouvelle formule, la « pierre d’angle » : constatant que la société de Jérusalem se dégradait, que régnaient partout le mensonge, l’injustice, la corruption, le mépris des commandements de Dieu, Isaïe a encore une fois rappelé que le droit et la justice sont les seules valeurs sûres… Il disait : Vous êtes comme des bâtisseurs qui choisiraient les plus mauvaises pierres pour faire les fondations !
Mais il annonçait aussi que Dieu allait reprendre lui-même la direction des opérations : comme un architecte, il allait en quelque sorte rebâtir sa ville ! Mais sur des bases saines, cette fois : « Voici que je pose dans Sion une pierre à toute épreuve, une pierre angulaire, précieuse, établie pour servir de fondation… » (Isaïe 28, 16).