Le catholicisme : La lutte contre le modernisme
Peu de religieux ont manifesté aussi ostensiblement leur opposition au changement, au développement au « modernisme » que les catholiques. Cela résulte de circonstances particulières intervenues au XVIe siècle : devant les attaques de Luther, l’Église se cabre et rejette tout ce qui s’en rapproche, de près ou de loin. Bien qu’elle ait couvert en son sein un long processus de développement, notamment via les puissants monastères, elle n’a su prendre le chemin de l’ouverture : elle s’est refermée sur ses principes dogmatiques dans un réflexe de défense. Ses positions furent aussi claires qu’affligeantes : rien ne devait changer. Tous les « réformateurs » furent pourfendus, chassés, excommuniés et même brûlés quand c’était possible. Cette intransigeance s’est pratiquement maintenue jusqu’à la timide ouverture de Vatican II.
En 1832, dans son encyclique Mirari vos, le pape Grégoire XVI déclare encore : « C’est maintenant l’heure de la puissance des ténèbres. […] Les erreurs de tout genre se propagent audacieusement. […] Depuis la source empoisonnée de F indifférentisme découle cette maxime fausse et absurde ou plutôt ce délire : qu’on doit procurer et garantir à chacun la liberté de conscience. […] A cela se rattache la liberté de la presse, liberté la plus funeste, liberté exécrable, pour laquelle on n’aura jamais assez d’horreur. […] Bien différente a été la discipline de l’Église pour l’extinction des mauvais livres, dès l’âge même des Apôtres. Nous lisons, en
effet, qu’ils ont brûlé publiquement une grande quantité de livres. [… ] Des écrits répandus dans le public enseignent des doctrines qui ébranlent la fidélité, la soumission dues aux princes, et allument partout les torches de la sédition. »
Ces mâles paroles, définitives pour un peu plus d’un siècle, ont au moins l’avantage d’être claires. Elles seront confirmées par le pape Pie IX qui va utiliser toute son énergie à lutter contre les libertés issues de la Réforme, des Lumières et de la Révolution de 1789. Facilement persuadé par son entourage de défendre les droits de Dieu contre ceux des hommes – pécheurs bien entendu – il publie en 1864 l’encyclique Quanta cura qui s’attaque à tous les fléaux de la modernité à savoir le rationalisme, le socialisme, le libéralisme, le naturalisme. L’encyclique est présentée sous forme d’un syllabus de propositions que l’Église anathématise dans sa plus pure tradition. Le plus piquant de cette présentation est que Vatican II allait reprendre certains des thèmes dénoncés pour les accepter à défaut de les recommander. Voici un échantillon des quatre-vingts propositions définitivement inacceptables :
- Tout homme est libre d’embrasser et de professer la religion que la lumière de la raison l’aura amené à juger être la vraie religion.
- Les hommes peuvent trouver la voie du salut et obtenir le salut éternel dans le culte de n’importe quelle religion.
- Le protestantisme n’est qu’une des diverses formes de la même et vraie religion chrétienne, dans laquelle il est possible de plaire à Dieu, tout comme dans l’Eglise catholique.
- A notre époque, il n’est plus utile que la religion catholique soit considérée comme l’unique religion de l’Etat à l’exclusion de toutes les autres.
- Le pontife romain peut et doit transiger avec le progrès, avec le libéralisme et la civilisation moderne.
Curieusement cette déclaration de guerre à la liberté de conscience, à la liberté de la presse, en un mot à la démocratie, allait renforcer l’autorité pontificale qui en profita pour imposer sa volonté : le vieil Index fut remis en vigueur, les évêques trop indépendants furent écartés et les jésuites œuvrèrent avec persévérance au renforcement de la gloire du successeur de Saint Pierre. Celle-ci atteindra une sorte de paroxysme avec la proclamation de l’infaillibilité pontificale par le concile Vatican I (1870). Le vote de cette proposition à l’unanimité des 535 présents (cinquante-cinq minoritaires s’étaient retirés) est surprenant si l’on songe qu’à cette époque certains pères conciliaires devaient savoir que la terre n’occupait plus, dans le firmament, la place solennellement désignée par l’Église. Le
texte même de la proclamation de l’infaillibilité montre une étonnante connaissance des volontés de l’Eternel : « L’Eglise romaine possède sur toutes les autres, par disposition du Seigneur, une primauté de pouvoir ordinaire, et ce pouvoir de juridiction du Pontife romain, vraiment épiscopal, est immédiat ». Si cette « disposition » constitue actuellement un des points dogmatiques séparant radicalement les catholiques des orthodoxes et des protestants, le Seigneur ne peut s’en prendre qu’à lui-même…
Que retenir de ce XIXe siècle finissant qui vit les papes devenir infaillibles mais en même temps refuser toutes les valeurs de la modernité, du « développement », des sciences en général et des sciences sociales et humaines en particulier ? Cette attitude de l’Église contribue à expliquer le retard des pays catholiques romains non pas tant à cause des nouveaux dogmes mais à cause de la mentalité qui les inspire et de quelques conséquences bien matérielles qui en résultent.
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