Le christianisme d'aprés Jésus-Christ
Près d’un milliard et demi d’hommes, le quart de l’humanité, se rattachent au christianisme. C’est dire que cette religion, numériquement la plus importante du monde, est présente sur tous les continents et s’accommode des environnements culturels les plus différents.
Qu’y a-t-il apparemment de commun entre les manifestations exubérantes des pèlerinages mexicains, la solennité froide et discrète du luthéranisme suédois, la réclusion volontaire des moines dans leurs couvents ou l’intellectualisme de certains philosophes chrétiens occidentaux ?
Au cours de près de vingt siècles d’une existence agitée, le christianisme ne s’est en effet jamais définitivement identifié avec aucun système politique, social ou culturel. Son expansion est, avant tout, le résultat de la passion des chrétiens authentiques de transmettre le message de Dieu aux hommes. Souvent, l’expansionnisme politique d’un pays chrétien a soutenu par les armes l’action des missionnaires, dans le dessein ambigu de servir aussi bien ses intérêts que la cause de la foi. Plus souvent encore, les chrétiens se sont élancés, sans autres armes que la force de leur persuasion et de leur foi, pour convaincre les peuples lointains de leur espérance, celle que leur donne jésus-christ, fils de Dieu. Troublant les situations acquises ils ont été fréquemment rejetés et persécutés ; puis, progressivement, le message d’amour est passé, il s’est établi, il est devenu valeur universelle, partie intégrante de nombreuses philosophies qui ne reconnaissent pas toujours de quel poids le christianisme a pesé, directement ou indirectement, sur l’humanité.
Certes le christianisme est aussi une religion puisqu’il a l’ambition de relier l’homme à Dieu, mais ce lien est d’abord fondé sur une révélation et sur la personne de jésus-christ.
Jésus, personnage historique parfaitement attesté, né à Bethléem vers 1 année 5 ou 6 avant notre ère, est plus que le centre des religions chrétiennes. Il en est à la fois la raison d’être, le fondateur et le modèle. Mieux encore, selon les chrétiens, il est Dieu, Dieu ayant délibérément voulu vivre sur terre tout ce que comporte la condition humaine. La mission de Jésus sur terre, expression de la volonté de Dieu, est tout sauf le fait du asard ou des circonstances économiques et sociales de l’époque.
Le plan a été longuement mûri au cours de l’histoire d’un peuple, le peuple juif, choisi par Dieu comme témoin et acteur de Sa manifestation parmi les hommes.
Jésus lui-même était juif, pratiquant la religion juive, lointain descendant par sa mère de David, ancien roi d’Israël. Il est né dans des conditions de grande pauvreté, au cours d’un voyage imposé par le recensement de la population qu’avait décrété l’occupant romain.
Sa mère, Marie, une toute jeune fille de réputation irréprochable s’était trouvée enceinte sans avoir eu de rapports et l’homme que sa famille lui destinait comme époux, Joseph, au lieu de la rejeter selon la coutume de l’époque, accepta l’explication d’une naissance surnaturelle.1
Il faut rappeler que le peuple juif, souvent persécuté par de puissants voisins, vivait dans l’attente d’un Sauveur, d’un Libérateur, dont certains espéraient un rétablissement de l’indépendance politique d’Israël. Ce personnage tant attendu devait porter le titre de Messie, c’est-à-dire « celui qui est désigné par Dieu », « l’oint du Seigneur ».
La Bible, ou plus exactement ce que les chrétiens appellent l’Ancien Testament, relate l’histoire du peuple juif et sa longue attente du Messie dont il est dit qu’il naîtra d’une vierge.
Toujours est-il que les chrétiens considèrent que Jésus est Dieu, engendré par Dieu et porté par Marie sa mère, que sa naissance est unique et surnaturelle. Il n’y a rien d’illogique, si Jésus est le seul Homme-Dieu à avoir vécu sur terre, à ce que sa naissance soit la seule à ne pas avoir nécessité un père humain.
Cette naissance surnaturelle de Jésus est aussi admise comme telle par les musulmans.
Selon les chrétiens, tout se passe donc comme si, pour rendre acceptable que Dieu se soit fait Homme, Dieu avait voulu aussi cette naissance exceptionnelle. Par parenthèse, cela explique et conforte le fait que les chrétiens affirment que la vie humaine commence dès la conception. Rien n’aurait empêché Dieu de « prendre possession » d’un homme tout fait, par son père et sa mère, mais, paradoxalement, la crédibilité de l’intervention divine aurait été moins grande.
En résumé, il est hors de question pour un chrétien de limiter Jésus- Christ à un rôle de personnage historique majeur. C’est le seul être à la fois Homme et Dieu que l’Histoire ait connu sur terre.
Quel est donc le message si important que Dieu avait à transmettre aux hommes pour nécessiter un tel déploiement de moyens inhabituels ?
1. Nous verrons plus loin que certains protestants récusent une telle intervention surnaturelle et, partant, la virginité de Marie.
2. Messie, « oint », se dit Christ en grec, d’où l’on a tiré chrétien et christianisme. jésus-christ associe donc le nom de Jésus à sa fonction voulue par Dieu.
3. Ceci n’exclut pas que le plan de Dieu s’étende à d’autres mondes habités, mais ceci est hors de notre portée .Il tient en trois mots : « Dieu est Amour. »
C’est aussi simple que la formule d’Einstein : E = me2 qui a bouleversé la physique en posant l’équivalence de l’énergie et de la matière. Ce n’est d’ailleurs pas sans rapport.
L’affirmation que Dieu est Amour n’apparaît pas particulièrement originale, mais il faut dire que cela fait plus de 2 000 ans qu’on la rabâche à tous nos ancêtres. Pourtant, s’il est assez facile d’imaginer un Dieu- Créateur ayant lancé ses billes dans le cosmos pour voir ce qu’en ferait l’évolution, il n’est pas a priori évident qu’il ait envie de se préoccuper du résultat, puisque, détenteur de toute connaissance, il sait comment cela va tourner.
Sans jeu de mots, la vraie révolution, c’est donc bien l’amour qui est, en fait, synonyme de liberté.
En même temps que ce message un peu abstrait « Dieu est Amour », jésus-christ s’est efforcé de donner à l’homme un mode d’emploi de son existence, c’est-à-dire de lui apprendre l’usage de la liberté.
C’est très concrètement, dans des situations du quotidien, par des paroles d’une extrême simplicité, que Jésus a dit à quoi menait l’Amour poussé aux extrémités de sa logique. C’est en cela qu’il n’a pas aboli la loi juive mais qu’il l’a transcendée : au lieu de la loi du talion « œil pour œil, dent pour dent », il provoque l’assistance en disant « si l’on te frappe sur la joue droite, tends la joue gauche » ou bien « si ton œil te porte à de mauvaises actions, arrache-le ».
Dans le contexte de violence de l’époque, d’une Palestine occupée par les Romains où les juifs espéraient un Messie libérateur, Jésus ne pouvait être le chef de guerre espéré. Les Romains auraient dû être ravis de trouver chez les populations asservies un pacifiste aussi radical, mais, par démagogie, ils le sacrifièrent à la fureur des foules déchaînées.
C’est ainsi que Jésus, messager d’un Amour infini, fut supplicié comme un criminel, ce qui aurait dû mettre un point final à ses utopies ‘. Peut-on imaginer échec plus cuisant d’un homme qui, par sa seule parole, avait eu le but d’instaurer de nouvelles relations entre les hommes ?
La poignée de ses disciples, paralysés de frayeur et de déception, était hors d’état de réagir. Cependant, trois jours après l’exécution, conformément à ce que la Bible annonçait du Messie, l’événement stupéfiant se produisit : la résurrection.
Pendant 40 jours, de Pâques à l’Ascension, Jésus s’est manifesté vivant dans des occasions diverses à un nombre important de témoins. L’un de ses disciples, Thomas, qui n’y croyait pas, dut le toucher pour se convaincre de ce miracle. Pourtant, il ne s’agissait pas là d’un retour à la vie que les musulmans n’acceptent pas qu’un prophète tel que Jésus ait pu ainsi périr,11 n ayant pu permettre la mort ignominieuse de Celui que Sa volonté avait fait naitre d’une vierge.
Nous connaissons, son corps était comme libéré de toutes contraintes. Il pouvait apparaître subitement dans une pièce totalement fermée, sans être pour autant une sorte de fantôme D’un seul coup, l’échec de sa mort se transformait en certitude de la vérité de son message. Ses disciples sont désormais sûrs que la mort n’est qu’un passage vers un au-delà où le Christ nous a précédés.
C’est donc la foi en un homme, Jésus ressuscité, fils de Dieu, qui est le fondement du christianisme. Cette foi s’est répandue et continue à s’étendre, car le message de Jésus a ceci d’étonnant d’être véritablement indépendant de toute culture : rien n’est relatif à un événement particulier ni à un problème politique du moment ; Jésus n’impose aucun rite, aucune forme de liturgie ; il ne construit aucun temple ; il se contente de recommander une prière où se trouve dit l’essentiel de ce que sont les rapports de l’homme à Dieu :
« Notre Père (nous sommes tous frères et enfants de Dieu), qui es aux deux (nous n’avons pas à Le chercher dans un quelconque surhomme), que ton nom soit sanctifié (Dieu est d’une autre nature et nous devons le reconnaître), que ton règne vienne (nous souhaitons une réussite totale de Dieu, le monde n’est pas statique), que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel (nous devons contribuer à cet avènement en suivant la volonté divine). Donne-nous aujourd’hui notre pain de chaque jour (quelle que soit notre science, nous dépendons de Dieu). Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés (notre attitude envers les autres hommes n’est pas sans effet sur celle de Dieu à notre égard). Ne nous laisse pas succomber à la tentation et délivre-nous du mal (notre liberté demande à être guidée par Dieu).
Et voilà tout : en une dizaine de phrases, nous devinons quels sont nos rapports avec Dieu et nous savons comment nous comporter pour être les enfants qu’il espère. Comme l’ensemble de son enseignement, ce message d’une clarté limpide est accessible aux personnes les plus simples et c’est d’ailleurs aux plus pauvres et aux plus faibles qu’il s’adresse par priorité.
Mais cette simplicité même a quelque chose d’agaçant : à quoi cela sert-il d’être intelligent, riche et puissant pour entendre ces paroles ?
Jésus n’en reste pas là : ce qu’il dit prend toujours à contre-pied la morale « habituelle » la plus solidement établie : Si vous n ’êtes pas semblables à de petits enfants, vous n ’entrerez pas dans le Royaume de Dieu.
Les assoiffés de pouvoir sont avertis : la force et l’arrogance qui réussissent si bien sur terre interdisent l’accès à la vie éternelle.
1. Le caractère unique de ce corps ressuscité, annonciateur de la résurrection qui nous est promise, enlève toute extravagance à l’Ascension du Christ au ciel sous les yeux des apôtres, 40 jours après Pâques.
Mais s’il faut trouver un sommet dans l’enseignement de jésus-christ, c’est sûrement dans les quelques phrases du fameux « sermon sur la montagng » prononcé, selon la tradition, au bord du lac de Tibériade :
Bienheureux ceux qui ont l’esprit de pauvreté, car le Royaume des deux leur appartient.
Bienheureux les doux, car ils posséderont la terre.
Bienheureux les affligés, car ils seront consolés.
Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés.
Bienheureux ceux qui pardonnent, car on leur pardonnera.
Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu.
Bienheureux les pacificateurs, car ils seront appelés fils de Dieu.
Bienheureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux leur appartient.
Bienheureux serez-vous quand on vous outragera, qu ’on vous poursuivra, qu ’on dira mensongèremmt toute sorte de mal contre vous à cause de moi ; réjouissez-vous, car votre récompense sera grande dans le Ciel.
Chacune de ces phrases constitue une recette de bonheur, mais il s’agit d’un bonheur qui dépasse cette terre. Pour voir Dieu, pour partager un bonheur infini à Sa mesure, il n’y a pas de péage à payer ni d’examen à passer : il faut vivre dans l’amour de la justice et la paix, dans un esprit de pureté et de pauvreté.
Cependant jésus-christ ne dit pas en quoi consiste ce bonheur de l’au- delà. Les sceptiques peuvent soutenir que c’est une imposture mais un imposteur ne trompe son public que pour en obtenir quelque chose et jésus-christ n’a jamais cherché quoi que ce soit pour lui-même. Le plus vraisemblable est que ce bonheur est inaccessible à toute description mais on peut penser surtout qu’une telle description serait, en quelque sorte, une publicité qui influencerait nos choix et ne respecterait pas notre liberté.
Autre fait notable, jésus-christ ne tient aucun compte des tabous sociaux : il a la même attitude d’amour à l’égard des étrangers, des collecteurs d’impôts, des prostituées ou des soldats de l’armée d’occupation romaine qu’à l’égard de ses amis les plus proches. Les seuls qu’il rejette sont les hypocrites qui s’abritent derrière le conformisme social pour fermer leur cœur.
Ajoutons que, pour convaincre les incrédules, il multiplie les miracles, non pas tant pour changer le cours des choses mais comme signe de a puissance divine qui est en lui et de son pouvoir de pardonner les tautes.
Appliquant à lui-même les principes d’effacement qu’il propose, il ecipse quand des admirateurs veulent le voir jouer un rôle politique. nsi, en trois ans de vie publique seulement, sans les médias modernes
à sa disposition, ce juif dont le pays subit l’occupation étrangère réussit à jeter les bases d’une « révolution » qui traversera les siècles : il déclare qu’il sera à jamais au milieu de ceux qui se réunissent en son nom et qu’il enverra le Saint-Esprit1 à ses fidèles pour les guider dans l’avenir.
Le seul geste qu’il demande est que les hommes partagent ensemble le pain et le vin en souvenir de sa mort, acceptée par lui comme un sacrifice pour que nous en soyons transformés.
L’histoire de jésus-christ est vertigineusement étonnante à de nombreux points de vue. Chacun est plus sensible à l’un ou à l’autre. Ce qui frappait plus particulièrement les juifs qui ont constitué les premiers bataillons de convertis, c’est la conformité de sa vie aux prédictions de la Bible concernant le fameux Messie qu’ils attendaient.
La venue de jésus-christ dans l’Histoire n’était donc pas un fait isolé mais elle était l’aboutissement du long cheminement du peuple juif guidé par ses prophètes.
L’événement majeur reste cependant la résurrection qui confirme les disciples dans la certitude que jésus-christ est le vainqueur de la mort et que ses promesses de vie éternelle sont fiables. C’est pourquoi les persécutions sanglantes dont furent victimes les premiers chrétiens restèrent sans effet, les martyrs étant persuadés que leur mort leur ouvrait le paradis.
Enfin, le dernier sujet d’admiration concerne l’adaptation de l’Eglise qui a réussi à survivre dans les conditions les plus désespérées. C’est, pour beaucoup, la réalisation de la promesse de jésus-christ de rester présent en son sein et de la guider par le Saint-Esprit. Pendant trois siècles en effet, l’Eglise n’a pu s’appuyer sur aucun pouvoir politique, aucune force militaire2, ni même un règlement intérieur.
C’est cette aventure de l’Eglise que nous vivons encore aujourd’hui : elle apparaît bien structurée, peut-être un peu lourde et vieillotte, mais son passé témoigne pour elle d’une capacité d’adaptation sans égale.
Le ciment de cette étrange construction, ce sont les croyances héritées de jésus-christ ou déduites de celles de ses premiers disciples.
1. Le mot grec employé est paracletos, qui signifie « avocat ». L’Eglise a toujours interprété ce terme comme étant le Saint-Esprit, qui nous soutient comme le ferait un avocat dans une cause difficile. Les musulmans se fondent sur cette parole pour déclarer qu’il s’agit de Mahomet, ainsi annoncé par le prophète Jésus.
2. Cette différence avec l’Islam est frappante. C’est l’organisation politique et militaire de Mahomet et des premiers califes qui a permis en un siècle d’aller jusqu’à Poitiers. Depuis le XIIIe siècle, l’Islam n’a pratiquement pas gagné de positions géographiques ; dès cette époque, l’Indonésie et les Empires occidentaux de l’Afrique Noire étaient déjà largement islamisés.