Le judaïsme
Le judaïsme est la religion du peuple juif. Ce peuple est dépositaire de la loi que Dieu a donnée aux hommes. La révélation de cette loi à Moïse sur le mont Sinaï, vers 1 250 av. J.-C., est le prolongement du pacte d’alliance passé entre Dieu et Abraham quelques siècles auparavant.
Le judaïsme est indissociable de l’Histoire qui apparaît comme le cheminement de l’humanité sous la conduite de Dieu. L’Histoire n’est pas autre chose que la réalisation du plan de Dieu sur la création : selon le judaïsme, l’homme se doit de purifier le monde par ses actes pour que Dieu puisse y demeurer.
Que Dieu ait choisi le peuple juif pour porter au monde sa révélation ne confère à ce peuple aucun privilège : il s’agit d’une mission spirituelle, d’une véritable épreuve qui comporte sens de la responsabilité et sacrifices. La fidélité à Dieu que cela implique est avant tout l’effort quotidien d’observation de la loi et d’exercice de la justice. Le judaïsme cherche à présenter un modèle spirituel bien plus qu’à convertir. Il est possible de se convertir au judaïsme, mais rien n’est fait pour le favoriser.
En France, on ne compte chaque année qu’une dizaine de conversions au judaïsme, alors que près de 4 000juifs deviennent chrétiens, parfois pour des raisons plus sociales que spirituelles. C’est donc surtout par la naissance que l’on est juif : est considéré comme juif tout enfant né d’une mère juive.
Jadis cependant, le prosélytisme a connu des périodes fort actives, notamment sous l’Empire romain. C’est pourquoi, il n’y a aucune homogénéité ethnique du peuple juif, ce que souligne l’exemple extrême des juifs éthiopiens, les falashas.
Ainsi, aujourd’hui, le peuple juif ne peut véritablement se définir que comme celui qui adhère au judaïsme.
Selon la tradition, Dieu a donné aux enfants d’Abraham la terre où se trouve de nos jours l’Etat d’Israël. L’attachement des juifs à cette terre est, pour eux, de nature génétique La majorité des juifs voient dans l’Etat d’Israël le symbole de leur confiance dans l’avenir, ce qui répond à leur aspiration profonde de vivre en toute souveraineté sur la terre que Dieu leur a confiée. Cette terre est sainte, elle est constamment placée sous l’œil de Dieu et tout juif a le droit de demander à y vivre. L’immigration en Israël est désignée par le nom hébreu d’ aliyah qui signifie « montée », car elle est perçue comme une élévation spirituelle vers Dieu2.
1. Selon l’enseignement classique, Adam a été créé de la terre prélevée sur l’emplacement du Temple de Jérusalem.
2. Le nom de la compagnie aérienne israélienne El Al est formé sur cette racine.
Cependant la possession effective de cette terre est soumise à l’obéissance à la loi divine, faute de quoi l’invasion par l’ennemi et l’exil à l’étranger restent toujours possibles.
En fait, tout au long de l’histoire le peuple juif a dû subir de la part de voisins puissants des déportations et des massacres qui constituent peut- être le prix du maintien de sa singularité et de son particularisme.
Bien que dispersées aux quatre coins du monde, les communautés juives gardent un attachement profond à leur loi, à leur terre et à leur langue religieuse, l’hébreu, qui a été réintroduit comme langue vivante dès les années 1900-1910 sous l’influence d’Eliézer Ben Yehuda (1858-1922), puis définitivement avec la création de l’Etat d’Israël en 1948.
Le peuple juif compte environ 14 millions d’âmes (0,4 % de la population mondiale) : 5,8 millions vivent aux Etats-Unis (dont 1,7 million à New York), près de 5,8 millions en Israël, 1,5 million en Argentine, 600 000 en France, 450 000 au Royaume-Uni, 416 000 au Canada, 400 000 en Russie, 350 000 au Brésil, 120 000 en Afrique du Sud, près de 100 000 en Hongrie, etc. Mais l’importance spirituelle du judaïsme est bien plus considérable que ces chiffres ne le laissent supposer. En effet, le judaïsme, en tant que première religion monothéiste révélée, est, pour une large part, à l’origine du christianisme et de l’Islam.
L’étude de la doctrine du judaïsme est donc capitale pour comprendre l’ensemble de ces religions auxquelles se rattachent, au moins culturellement, 40 % de l’humanité.
La doctrine du judaïsme
Dieu est unique, tout-puissant et éternel. Il a créé le monde. L’homme est incapable de connaître Dieu, sauf dans la mesure où II se révèle. Or, précisément, la volonté de Dieu s’exprime de deux manières : soit II parle directement à certains hommes, soit II en inspire d’autres qui parlent en son nom et sont ses prophètes. Dieu conduit ainsi la progression continuelle de l’humanité, mais II laisse à chaque homme sa liberté, son libre- arbitre. La loi de Dieu n’est pas imposée, mais celui qui ne la suit pas en subira les conséquences.
L’objectif est un règne de paix et de justice qui s’établira sous l’égide d un homme, le Messie, choisi par Dieu et descendant du roi David. L humanité vivra dans l’abondance et le peuple juif verra la fin de son exil : il reviendra en Terre sainte et se repentira de ses fautes. Le monde entier reconnaîtra Dieu et acceptera sa souveraineté. Selon la tradition juive, l’humanité deviendra végétarienne, comme elle l’était avant le déluge.
Cette ère messianique sera celle de la réconciliation entre les peuples et Jérusalem sera le centre spirituel de l’humanité.
Rien ne permet de savoir quand cette période bienheureuse commencera. Certains rabbins cependant croient que le monde durera 6 000 ans et que le 7e millénaire en sera l’apothéose, de la même façon que le sabbat, le jour de fête juif, termine la semaine dans la joie. Nous serions ainsi à la veille de l’ère messianique qui pourra être hâtée si les hommes en sont dignes.
La certitude de son destin qui anime le peuple juif est la conséquence de la promesse faite par Dieu à Abraham, il y a près de 4 000 ans. Dieu est indéfectiblement fidèle à sa promesse, mais les hommes multiplient les manquements et les trahisons. Le peuple juif n’est pas, par nature, meilleur qu’un autre, mais il a la responsabilité d’observer la loi que Dieu lui a donnée pour l’ensemble de l’humanité.
Cette interaction de Dieu et de l’Histoire des hommes est relatée dans la Bible, livre écrit par des hommes d’époques très diverses, mais inspiré par Dieu. La première partie, qui en est le noyau, est la loi proprement dite. Elle comprend cinq livres, d’où son nom grec de Pentateuque, et elle a été directement dictée par Dieu à Moïse. La Torah est le contrat entre Dieu et le peuple juif qui définit leurs engagements réciproques.
Le texte le plus connu et le plus important de la loi est celui des « Dix Commandements », en grec le Décalogue. Il se trouve au chapitre 20 du livre de Y Exode, le deuxième du Pentateuque. On peut le traduire sensiblement comme suit :
1 – « Moi, Yahweh, je suis ton Dieu qui t’ai sorti d’Egypte, de la maison
des esclaves.
2 – Tu n’auras pas d’autre dieu que Moi, tu ne feras et n’adoreras
aucune image, car Je suis un Dieu jaloux qui punit l’iniquité mais fait miséricorde à ceux qui m’aiment et observent mes commandements.
3 – Tu ne prononceras pas le nom de Dieu à l’appui du mensonge, car Je ne laisse pas impuni celui qui jure Mon nom en vain.
4 – Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Tu travailleras pendant six jours mais le septième jour est consacré à ¡’Eternel, ton Dieu. Tu ne feras aucun travail, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui est chez toi, car Dieu l’Eternel a créé en six jours le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment et II a béni le septième jour et II l’a sanctifié.
5 – Honore ton père et ta mère afin que tu vives longtemps sur terre.
6 – Tu ne tueras pas.
7 – Tu ne commettras pas d’adultère.
8 – Tu ne voleras pas.
9 – Tu ne feras pas de faux témoignages.
10 – Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain, ni sa femme, ni
son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce qui appartient à ton prochain ».
La Bible juive comprend, outre le Pentateuque, huit livres des Prophètes et onze livres d’Ecrits, soit au total 24 livres. La Bible catholique traduite en latin, dite « Vulgate » se divise différemment en 46 livres 1 2.
Le caractère parfois imprécis des textes de la Torah a, dès l’origine, nécessité des explications qui constituent le mode d’emploi de la loi dans les différentes circonstances de la vie. C’est ce qu’on appelle la « Torah orale » qui est propre à la religion juive, contrairement à la Torah écrite, c’est-à-dire les cinq premiers livres de la Bible, cette partie est aussi un livre sacré pour les chrétiens et, d’une certaine façon, pour les musulmans.
Au cours des siècles, les commentaires de cette Torah orale sont devenus si nombreux qu’au IIe siècle de notre ère des rabbins entreprirent de les rédiger pour en assurer la conservation. Cette Torah orale, désormais écrite, s’appelle la Mishnah3: elle traite de sujets concrets tels que
1. Selon le calendrier juif, le monde a été créé en 3760 avant notre ère. Ainsi, 2005 correspond à l’an 5765 depuis la création.
2. Les 24 livres de la Bible juive comprennent :
– les cinq livres du Pentateuque :
1) la Genèse, ou livre des origines, décrit la création du monde le déluge, l’histoire d’Abraham, d’Isaac et Jacob, jusqu’à la mort de celui-ci en Egypte.
2) YExode, raconte comment le peuple juif s’est libéré d’Egypte sous la conduite de Moïse.
3) le Lévitique est le recueil de la loi et des prescriptions rituelles données par Dieu à Moïse.
4) les Nombres relatent l’histoire des douze tribus d’Israël dans le désert, avant l’entrée en Terre sainte.
5) le Deutéronome est un rappel de la loi et une exhortation à son observation.
– les huit livres des Prophètes : ceux de Josué, desjuges, de Samuel, des Rois, d’Isaïe, de Jérémie, d’Ezéchiel et des douze autres prophètes. Morale et histoire y sont inextricablement mêlées.
– les onze livres d’Ecrits, ou hagiographies ; les Psaumes, le livre de Job, les Pro¬verbes, le livre de Ruth, le Cantique des Cantiques, l’Ecclésiaste, les Lamentations, le livre d’Esther, le livre de Daniel, le livre d’Esdras et Néhémie et, enfin, les Chroniques.
Certains livres ont un caractère purement historique comme celui d’Esther dont Racine a tiré l’une de ses tragédies, d’autres sont des récits de nature morale, comme le livre de Job ou l’Ecclésiaste. Les Psaumes sont un recueil de prières mystiques et de chants liturgiques du peuple juif, tandis que le Cantique des Cantiques est un poeme qui symbolise avec sensualité l’amour réciproque de Dieu et d’Israël.
On s’accorde généralement à penser que ces textes ont été écrits par différents auteurs entre le IXe siècle et le VT siècle avant notre ère, c’est-à-dire nettement après la mort de Moïse au xnr siècle.
3. Mishnah signifie littéralement « répétition ».
l’agriculture, la vie familiale, le droit civil ou pénal, mais aussi de sujets religieux comme les prières, les fêtes, les services du temple ou les conditions de la pureté rituelle.
Cependant, cette Mishnah est elle-même assez synthétique et les rabbins l’ont complétée par de nombreux autres commentaires, dits « Guemarah ».
Ce qu’on appelle le Talmud est constitué de l’ensemble de la Mishnah et de ses commentaires. Ces écrits, très volumineux, ont été rédigés en deux versions, l’une à Jérusalem au Ve siècle de notre ère, l’autre à Baby- lone auXIII siècle.
Le Talmud 1 aussi complet soit-il, n’est que la référence et la source de la loi juive ; il s’y ajoute une quantité d’autres textes d’importance diverse :
– La Halakha, mot signifiant « marcher », « évoluer », permet une adaptation des règles aux conditions de la vie moderne. On y répond, par exemple, à la question de savoir s’il est conforme à la loi de pratiquer la contraception ou d’allumer l’électricité le jour du sabbat. C’est un traité de jurisprudence.
– La Haggada, qui signifie « narration », rassemble des textes moraux ou anecdotiques, à but d’édification.
On peut encore citer :
-Le Midrash2, commentaire explicatif de la Torah, mais sans caractère juridique. Certains de ses textes, d’origines différentes, semblent parfois contradictoires, ce qui, pour un esprit juif, est source de nouvelles interprétations qui concilient d’apparents contraires.
-La Kabbale, ou Cabale3, qui n’est pas un ouvrage unique mais plutôt un courant de pensée. La Torah y est interprétée de façon symbolique et mystique. Le plus connu des livres issus de la Kabbale est le Zohar, ou « livre de la Splendeur », écrit vers le XIII siècle.
Quelle que soit l’importance de tous ces ouvrages, c’est l’étude de la Torah qui est au centre de la pratique religieuse juive que nous allons maintenant aborder.