Les différentes formes de christianisme
C’est la personne de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, qui unit les chrétiens : ils croient à sa mission divine et s’efforcent, dans la mesure de leur conviction et de leur courage, de suivre son enseignement.
L’assemblée des chrétiens constitue l’Eglise ‘. Tous les chrétiens s’accordent à reconnaître que cette Eglise est unique, mais ils ne la voient pas tous de la même façon. Certes, ils considèrent qu’il n’y a qu’une vérité et c’est déjà beaucoup – et que cette vérité est contenue dans renseignement de Jésus-Christ. Mais cet enseignement ne ressemble en rien à un recueil de lois. Jésus-Christ s’est bien gardé de rien écrire, précaution indispensable pour que son enseignement garde au cours des siècles la souplesse d’adaptation nécessaire. Le modèle qu’il a donné est celui d’un comportement totalement orienté vers l’amour des hommes : c’est à cha-que chrétien de faire usage de sa liberté et de sa conscience pour adapter intelligemment son propre comportement aux situations particulières de l’existence en s’inspirant du modèle de Jésus-Christ.
Il n’y a là rien de bien intellectuel ; chacun est capable de faire à tout moment les choix convenables dès lors qu’il se laisse guider par l’amour et, si possible, le bon sens. Jésus-Christ disait d’ailleurs : « Laissez venir à moi les petits enfants ; si vous n’êtes pas semblables à de petits enfants, vous n’entrerez pas au Royaume des Cieux. » C’est une phrase que les théologiens n’ont pas toujours prise pour eux-mêmes : alors qu’on ne trouve dans les Evangiles strictement aucune indication sur l’organisation ou la liturgie de l’Eglise à venir, pas plus que sur la nature du Royaume de Dieu qui attend les élus, les théologiens ont très tôt spéculé sur ces questions certes importantes mais hors de portée de l’action.
Oubliant peut-être trop souvent que la vie chrétienne consiste d’abord à imiter le Christ, des théologiens se sont mis à déchiffrer les Ecritures comme s’il s’agissait d’une très scolaire explication de textes. Ils y ont évidemment trouvé quantité de trésors cachés qui sont bien souvent des extrapolations ou des interprétations de ce qui a été réellement dit.
On comprend qu’un tel exercice intellectuel ait conduit à des divergences d’appréciation entre théologiens et que d’interminables querelles de spécialistes aient vu le jour. Si l’on ajoute à cela les différences sociologiques, les rivalités personnelles et politiques dont les hommes d’Eglise ne sont pas exempts, il n’y a pas lieu d’être surpris de la prolifération de tendances et de mouvements qui se sont manifestés et se manifestent encore au sein de l’Eglise du Christ.
risque serait grand de ne plus se retrouver dans un tel fouillis si,
Dieu merci, Jésus-Christ n’avait donné l’assurance de l’appui du Saint- Esprit pour guider l’Eglise sur le chemin de la vérité.
Mais le Saint-Esprit n’est pas un gendarme, il est Dieu lui-même, il a le temps pour lui et il n’interdit pas automatiquement toutes les erreurs naissantes : tout se passe comme si le Saint-Esprit laissait le temps effriter ce qui relève de l’accessoire et comptait sur plus de compréhension du message d’amour pour que les chrétiens tendent à l’unité dans la diversité.
Nous constatons en effet que certaines interprétations du christianisme, jadis menaçantes pour l’unité de l’Eglise, ont pratiquement disparu au cours des siècles et que très lentement, au rythme de Dieu, les chrétiens de bonne foi de diverses tendances apprennent à s’estimer et à relativiser certains points secondaires qui les ont divisés dans un passé déjà lointain.
Que reste-t-il en effet des grandes hérésies telles que l’arianisme, le nestorianisme ou le monophysisme qui ont déchiré l’Eglise entre le w et le vir siècle et ont séduit un nombre considérable de chrétiens ?
Pourtant, dira-t-on, on a vu naître depuis moins d’un siècle bon nombre de mouvements religieux se réclamant de Jésus-Christ dont la doctrine n’est pas particulièrement orthodoxe. Le lecteur pourra se reporter aux articles consacrés plus loin aux témoins de Jéhovah ou aux mormons, pour ne citer que deux des plus importants. De même chaque décision doctrinale de Rome entraîne inévitablement des réactions de rejet de quelques catholiques qui se coupent parfois de leurs racines. Le jansé¬nisme au xviir siècle puis la proclamation de l’infaillibilité pontificale en 1870 ont provoqué la scission des « vieux-catholiques » et, près d’un siècle plus tard, le concile de Vatican II a suscité l’opposition de certains catho¬liques comme l’abbé de Nantes (Contre-Réforme catholique) et le schisme des « intégristes » de Mgr Lefebvre.
Il n’en reste pas moins que ces mouvements restent numériquement très marginaux et ne troublent pas la sérénité de l’Eglise comme ce fut le cas lors des grandes querelles doctrinales de jadis.
1. L’arianisme, doctrine d’Arius, partant du caractère transcendant de Dieu, n’admettait pas que Jésus soit plus qu’une créature adoptée par Dieu comme fils. L’arianisme eut un éclatant succès chez les Goths, mais il n’en reste rien de nos jours. Le nestorianisme, doctrine de Nestorius, tire du dogme que Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme la conclusion qu’il y a deux personnes en lui, l’homme et le Dieu. Marie est la mère de l’homme, mais pas la mère de Dieu. De la même façon, c’est l’homme seul qui est mort sur la croix. Les chrétiens d’Arabie avec lesquels Mahomet était en contact étaient nestoriens, ce qui explique, selon les chrétiens, la position de l’Islam (voir le chapitre sur l’Islam). Les nestoriens sont encore près de 500 000 aujourd’hui. Le monophysisme, littéralement « doctrine de la nature unique », en réaction contre le nestorianisme, fait disparaître la nature humaine du Christ derrière sa nature divine. Les chrétiens coptes et éthiopiens sont de tradition monophysite, mais ils sont proches aujourd’hui de l’orthodoxie.
Sous ces réserves, le christianisme contemporain comprend trois grands
courants:
_ le catholicisme (plus d’un milliard de baptisés)
-l’orthodoxie (180 millions de baptisés environ)
– le protestantisme (400 millions de baptisés)
Ce dernier, comme nous le verrons plus loin, reste « émietté » en multiples tendances, mais des signes de convergence apparaissent. Il en est de même entre le catholicisme, l’orthodoxie et le protestantisme : c’est le « mouvement œcuménique » qui sera évoqué ultérieurement.
Le catholicisme
Voici plus de 2 000 ans que le christianisme est entré dans l’Histoire par la petite porte d’un fait divers : l’exécution d’un agitateur religieux dans une lointaine province de l’Empire romain. Ce Jésus avait dit à ses compagnons, les apôtres : « Allez et enseignez toutes les nations ». Son message se voulait donc, dès ses débuts, catholique, c’est-à-dire universel
Universelle, l’Eglise catholique l’est incontestablement davantage que les autres mouvements religieux si l’on considère l’étendue de son domaine géographique ou le nombre de ses adeptes. Longtemps confiné au monde méditerranéen, le catholicisme est aujourd’hui présent presque partout dans le monde et il regroupe plus d’un milliard de baptisés, soit 60 % des chrétiens. En outre, grâce à son organisation hiérarchique, il présente une grande homogénéité de doctrine. Sa structure est l’extrapolation de celle mise en place de façon rudimentaire par Jésus-Christ : douze apôtres (messagers) dont Pierre était le chef. Aujourd’hui, l’Eglise catholique est gouvernée par plus de 4 000 évêques sous l’autorité du pape, évêque de Rome .
On imagine parfois le catholicisme rigidifié dans ses dogmes et sa tradition, paralysé par un état-major de vieux cardinaux, coupé des préoccupations du monde contemporain. Ceux qui se donnent la peine d observer le catholicisme constatent au contraire, sous son unité fondamentale, une étonnante diversité et capacité d’évolution.
Les changements, qui semblent s’accélérer depuis quelques années, ne portent pas sur les données immuables de la foi, ils concernent leur application au monde nouveau dans lequel nous vivons. C’est ce renouvellement de expression de la foi qui permet à l’Eglise de garder sa vitalité.
Corps en mouvement, l’Eglise catholique peut être perçue très différemment selon les observateurs. Société humaine, elle est sujette à toutes les erreurs et à toutes les compromissions: certains n’en retiennent que l’obscurantisme de l’inquisition ou du procès de Galilée. Source inépuisable de saints, l’Eglise est, pour beaucoup d’autres, la seule raison d’espérer : en elle est présent le Saint-Esprit qui guide l’humanité vers son Sauveur.
Il est difficile d’être objectif. On peut cependant constater que l’Eglise catholique s’est toujours ressaisie après les crises les plus graves, ce qui permet d’interpréter son histoire comme une marche en avant où chaque événement semble être advenu pour opérer une nécessaire et permanente reconversion.
C’est pourquoi un survol de l’Histoire est un préalable nécessaire pour bien saisir l’originalité du catholicisme et apprécier les multiples formes de sa spiritualité et de son action.
L’histoire agitée du catholicisme
Au cours des siècles le catholicisme est passé par les situations les plus diverses et, de nos jours encore, sa place dans la société varie considérablement selon les pays.
On peut distinguer trois grandes périodes :
– Les trois premiers siècles sont ceux d’une lutte doctrinale, en grande part clandestine. Le catholicisme s’est affirmé par la qualité et la nouveauté de son message ainsi que par le courage héroïque de ses fidèles : cette phase de lutte fervente s’est jouée, pour l’essentiel, à l’intérieur de l’Empire romain.
– De la reconnaissance du catholicisme comme religion de l’Empire après Constantin jusqu’à la Réforme protestante au début du XVI siècle, le catholicisme fut constamment associé à un pouvoir politique. C’est une période de certitude religieuse mais de luttes intenses autour du pouvoir. Durant ces onze siècles, les événements dramatiques abondent. L’Empire romain s’effondre sous les coups des barbares, mais l’Eglise subsiste en les convertissant. Le catholicisme subit le choc de l’Islam dès le VI siècle et perd la quasi-totalité de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient. Puis c’est le schisme d’Orient en 1054 et l’Eglise catholique s’identifie avec l’Europe occidentale. La foi fait surgir les cathédrales, mais l’Evangile ne dompte pas encore la violence ambiante : croisades et Inquisition semblent la manière normale de convaincre son prochain. Dans une Eglise qui s’identifie totalement à la société, on trouve indistinctement le meilleur et le pire. Une clarification et une reprise en mains deviennent nécessaires.
_ Depuis la Réforme, l’Eglise catholique perd progressivement son pouvoir politique : en Grande-Bretagne d’abord par la sécession anglicane, uis en Europe du Nord avec les luthériens, enfin dans le reste de 1 Europe avec la Révolution française de 1789 et l’apparition des nationalismes. Mais la vigueur de la foi reste intacte : les Indiens d’Amérique deviennent chrétiens à partir du XVI siècle par le sabre des conquistadors, les Africains et les Océaniens à partir du XIXe siècle grâce au dévouement des missionnaires.
– De nos jours, le centre de gravité de l’Eglise catholique se déplace. Les pays industrialisés d’Europe occidentale sont devenus trop riches pour se sentir à l’aise dans une spiritualité où l’esprit de pauvreté est une vertu. En revanche, dans les pays du Tiers-Monde et ceux soumis à une dictature, le souffle révolutionnaire du christianisme reste intact.
La diversité des situations particulières à chaque pays rend évidemment difficile la direction de l’ensemble de l’Eglise. La tâche est d’autant moins aisée que, depuis le concile de Vatican II de 1962 à 1965, l’Eglise catholique a définitivement renoncé à imposer le point de vue exagérément romain qui la caractérisait depuis de longs siècles.
Le concile de Vatican II
S’il fallait une preuve de plus de l’adaptabilité de l’Eglise catholique à l’évolution de l’Histoire, Vatican II en fournirait un exemple frappant.
Le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, dont les principaux protagonistes étaient des peuples de culture chrétienne, avait montré à l’évidence que l’Eglise ne pouvait se contenter de recommander à ses fidèles le respect des valeurs morales individuelles : elle se devait d’élargir davantage son enseignement à une morale plus collective, impliquant une plus grande ouverture sur le monde.
A cet effet, les trois principaux axes du concile ont été :
– une remise à jour (en italien : aggiornamento) des pratiques de l’Eglise pour lui permettre de mieux remplir ses nouveaux objectifs ;
– une plus claire définition de ses rapports avec le monde, surtout en ce qui concerne l’action de l’Eglise dans les pays étrangers à la culture
occidentale ;
– établissement de relations plus confiantes et plus constructives entre e catholicisme et les autres Eglises chrétiennes.
Le concile suit une logique, celle de l’universalité du message qu’elle transmettre. La décision d’employer les langues locales au lieu du latin pour célébrer la messe n’est qu’un moyen de mieux faire participer les fidèles à leur culte
La déclaration peut-être la plus importante du concile concerne la liberté religieuse. C’est en fait une nouvelle façon de s’exprimer : auparavant l’Eglise, sûre de son message, s’effrayait de cette liberté car, en choisissant une autre voie que celle du catholicisme, l’homme plonge fatalement dans l’erreur. Sans renoncer à ses convictions, l’Eglise constate explicitement aujourd’hui le fait que l’homme est libre et qu’il exerce sa liberté en matière religieuse comme dans d’autres domaines. L’Eglise, dépositaire du message d’amour divin, se doit de convaincre, essentiellement par l’exemple de ses saints. Elle peut condamner les doctrines mais jamais les hommes. Reconnaître cette réalité que chacun dispose en sa conscience de la liberté religieuse est une simple constatation, mais c’est aussi un préalable pour un dialogue avec les autres religions sans lequel il y a peu d’espoir de convertir au catholicisme ceux qui en sont éloignés.
Ces subtilités sur la liberté religieuse n’ont pas été admises par certains catholiques fondamentalistes qui y voyaient une dangereuse et inacceptable compromission avec l’erreur. Cependant, quoiqu’en disent les quelques opposants irréductibles au concile, celui-ci n’a rien touché de ce qui constitue la nature et le fondement de l’Eglise catholique.