Une chance pour le dialogue
Les populations immigrées
Pour des raisons diverses et multiples évoquées précédemment, les populations de culture musulmane sont désormais nombreuses en occident. Une intégration réussie serait la meilleure façon d’éliminer les murs d’incompréhension que de longs siècles ont élevé entre deux types de culture.
Malheureusement, cette intégration est de qualité très inégale. Le chômage et des préjugés encore vivaces marginalisent de nombreux jeunes qui deviennent sensibles au discours d’islamistes agressifs. Globalement cependant, jamais le dialogue n’a été aussi facile et profond entre les deux cultures. Il est trop récent pour en connaître les fruits mais on constate déjà une grande quantité de mariages mixtes, qui ont souvent pour effet de couper les jeunes de l’univers culturel de leurs parents. Les enfants d’immigrés n’ont plus la sensibilité de leurs parents à l’égard du pays d’origine, ils en parlent mal la langue et ne se sentent pas vraiment chez eux quand ils y retournent.
Religions et immigration
L’Histoire a connu d’innombrables mouvements de populations, victimes de guerres ou fuyant devant la misère. Ces brassages de peuples ont mêlé langues et cultures. La colonisation et la conquête ont changé les paysage religieux, parfois massivement. Les deux religions numériquement les plus importantes, le christianisme et l’Islam, se sont répandues, dans des proportions inégales, à la fois par les armes, l’émigration et la prédication. Ainsi, si l’Amérique est de culture chrétienne, c’est la conséquence de la colonisation de millions d’Européens, prolongée sur plus de deux siècles.
Plus près de nous, des migrations considérables ont été provoquées pour faire face aux besoins de main d’œuvre des pays industrialisés ou pour fuir devant la misère du Tiers-Monde.
Aujourd’hui, les pays occidentaux découvrent les problèmes posés par la présence sur leur sol de ces populations à la culture différente.
La plupart d’entre elles sont constituées de personnes dont l’instruction est rudimentaire, mais on trouve aussi des universitaires de haut niveau qui émigrent pour fuir une persécution politique ou trouver dans les pays développés des rémunérations à la mesure de leurs diplômes. Ces mouvements de populations s’accompagnent bien souvent de chocs culturels où les religions tiennent une grande place.
Quelques exemples illustreront la diversité des situations.
L’immigration de culture musulmane au Royaume-Uni.
L’institution du Commonwealth a permis à de nombreux ressortissants de l’Empire britannique de s’établir au Royaume-Uni. Parmi ceux-ci, les Pakistanais, Bengalis et Indiens musulmans, au nombre de près de 2 millions, constituent plus de 80 % des immigrants de culture musulmane. Ils ne sont donc pas de culture arabe. Tous ont, en général, une bonne connaissance de la langue anglaise, mais ils vivent le plus souvent en communautés qui conservent leur langue, leurs traditions et leur religion. Le Royaume-uni ne se préoccupe pas vraiment d’intégration, encore moins d’assimilation.
(de langue turque ou kurde) ne sont pas spontanément germano-phones. Ils constituent souvent des communautés peu perméables à la culture allemande. Les principaux autres courants de l’immigration de culture musulmane en Allemagne proviennent des Bal kans (Albanie, Bosnie-Herzégovine et Kosovo).
L’immigration de culture musulmane en France
La population étrangère immigrée en France est relativement stable depuis longtemps. Cependant, elle n’est pas constituée des mêmes personnes. Cela signifie simplement que les nouveaux immigrants sont à peu près aussi nombreux que ceux qui acquièrent la nationalité française, environ 150 000 par an.
En ce qui concerne les religions, l’Islam a pris une place qui le situe en deuxième position parmi les religions pratiquées en France. L’évaluation du nombre de personnes de culture musulmane est délicate, car le principe de laïcité interdit aux services officiels de poser des questions sur les convictions religieuses des citoyens français. Il n’est même pas possible de faire une enquête basée sur les prénoms qui renseignerait sur le rattachement à la culture musulmane. Il faut donc se contenter d’estimations. On admet généralement que la France compte sur son territoire près de 5 millions de personnes de culture musulmane dont environ 2 millions sont citoyens français. Nous employons à dessein l’expression « personnes de culture musulmane » au lieu de musulmans, car les rares indications concernant la pratique religieuse montrent qu’elle se situe sensiblement au même niveau que celle des chrétiens, entre 5 et 15 % selon les critères adoptés. Il y a donc des athées et des agnostiques en assez grand nombre qui sont de culture musulmane.
Rappelons la situation particulièrement complexe que l’Histoire a léguée.
-Au moment de l’indépendance de l’Algérie, un nombre important de personnes de culture musulmane choisirent de conserver leur nationalité française (officiers et soldats de l’armée française, harkis, fonctionnaires, etc.). Ceux qui avaient un niveau de forma¬tion élevé s’intégrèrent sans problème, parfois ils étaient mariés avec des Françaises « de souche ». En revanche, les harkis furent ignominieusement traités et parqués dans des camps sans véritable effort des autorités françaises pour les intégrer. Le terme d’immigration est inadapté à ces divers cas, puisqu’il s’agit de citoyens qui n’ont jamais eu que la nationalité française, comme les juifs d’Afrique du
Nord ou les Pieds-Noirs rapatriés d’Algérie. En tant que Français, ils n’apparaissent pas dans les statistiques mais ils constituent, avec leurs descendants, un bon tiers des personnes de culture musulmane vivant en France, en tout cas plus d’un million.
– Une deuxième catégorie est constituée d’immigrants, générale¬ment des ouvriers peu qualifiés venus en France pour gagner leur vie, attirés qu’ils étaient par les entreprises qui avaient besoin de main d’œuvre. Les Algériens et les Marocains en forment les gros bataillons mais il s’y ajoute des Africains du Sahel. Une proportion importante d’entre eux a acquis la nationalité française. Leurs enfants nés en France sont Français par le droit du sol. Un deuxième tiers des Français de culture musulmane appartient à cette catégorie. D’autres n’ont pas la nationalité française et font partie des immigrés de culture musulmane. On compte parmi eux environ 700 000 Algériens, autant de Marocains, 200 000 Tunisiens, 200 000 Turcs et 200 000 Africains, pour une grande part d’ethnie Soninké (aux confins du Sénégal, du Mali et de la Mauritanie).
Rappelons que des raisons d’insécurité ont poussé des citoyens de divers pays à s’établir en France. Il s’agit d’Algériens menacés par le Front Islamique du Salut mais aussi d’iraniens craignant le régime des ayatollahs ou de Libanais de culture française cherchant à vivre dans un pays plus stable que le leur. Souvent de niveau intellectuel élevé, ils étaient acquis aux valeurs de laïcité de la république.
Précisons enfin que, dans une proportion supérieure à 1/3, les Algériens immigrés sont de langue kabyle et non arabe tandis que les Turcs immigrés sont, en proportion égale, de langue kurde et non turque.