Dozule
Dozulé, petit village de Normandie situé entre Caen et Pont-l’Evêque, a été le théâtre d’apparitions parmi les plus récentes intervenues en France. A trente six reprises différentes, entre mars 1972 et août 1982, le Christ s’est manifesté à une mère de famille de cinq enfants, épouse d’ouvrier, Madeleine Aumont, née le 27 octobre 1924.
Le plus souvent, ces événements se sont produits en présence de religieuses, du curé de la paroisse ou de fidèles.
Les messages délivrés par le Christ, exprimés dans un latin recherché, sont, en quelque sorte, un prolongement de l’Apocalypse : ils annoncent l’imminence de grandes tribulations, avant la fin du siècle, l’apparition du signe de la croix dans le ciel, ce qui arrêtera miraculeusement la troisième guerre mondiale, le déroulement d’une nouvelle évangélisation et le retour glorieux du Christ à Dozulé après ces événements.
Le Christ apparaît généralement à la place du tabernacle sur l’autel, ce qui est interprété comme une confirmation de la présence réelle du Christ dans l’hostie consacrée.
Le Christ aurait demandé d’ériger à Dozulé une croix de 738 mètres de hauteur, ce qui correspond à l’altitude du calvaire à Jérusalem.
Madeleine Aumont, femme simple et posée, n’a étudié que jusqu’à son certificat d’études et elle devait demander à son curé la traduction des paroles latines qu’elle entendait.
De nombreux autres témoins de toutes origines ont constaté à plusieurs reprises le rassemblement subit de nuages en forme de croix sur les lieux des apparitions.
Le procès canonique, c’est-à-dire l’enquête officielle de l’Eglise catholique sur ces apparitions, a commencé en 1984. Le 24 juin 1985, l’évêque de Bayeux a rendu une ordonnance négative assortie d’une mise en garde des prêtres et des fidèles, mesure approuvée par la Congrégation romaine pour la doctrine de la foi le 25 octobre 1985.
que peut-on penser des apparitions ?
Bien sûr, n’importe quel farceur, fou ou charlatan peut déclarer qu’il a vu, comme je vous vois, des éléphants roses dont le message changera la vie de l’humanité. Pour peu qu’il ait des dons de comédien, il trouvera des gens pour le croire et des désœuvrés pour devenir ses disciples.
Tout ce qui vient de l’homme peut être mis en doute. L’Eglise catholique elle-même, en la personne des prêtres et des évêques, témoigne systématiquement d’une grande méfiance à l’égard des voyants. Même si elle reconnaît l’authenticité de certaines apparitions – en nombre très réduit sur l’ensemble de celles qu’on lui signale – elle n’exerce aucune pression pour que les catholiques y croient.
Ceci étant, plusieurs remarques viennent à l’esprit :
– Comme on l’a vu, aucune religion ne rejette absolument le merveilleux. Le christianisme en particulier s’effondrerait si le Christ n’était pas ressuscité.
– Dans le merveilleux, il est relativement facile de trier ce qui relève de la légende dorée de ce qui est affirmé avec conviction par des témoins sains d’esprit et dignes de confiance. Ce tri conduit à constater que, dans les derniers siècles, les phénomènes troublants ayant une certaine crédibilité et un certain retentissement se sont produits dans la mouvance de l’Eglise catholique.
– Si l’on admet l’existence d’un Dieu capable de créer l’univers et de le faire évoluer selon ses lois, il semble qu’il lui soit facile de suggérer à qui il veut des sensations qui peuvent être interprétées comme une présence. Nos rêves nous prouvent que notre cerveau ne travaille pas que sur de la réalité observable et concrète. Rien n’interdit de penser qu’un voyant a véritablement toutes les sensations objectives de ce qu’il déclare voir et entendre : ses déclarations sont de bonne foi et il peut être le seul à être conscient de ce phénomène. Rien n’interdit non plus à Dieu que cette perception soit ressentie par un nombre quelconque de témoins. C’est une réalité intérieure perçue comme un phénomène extérieur, mais une réalité quand même.
– En ce qui concerne les messages reçus par les voyants, on peut tenter une interprétation du même ordre. Du fait même que ces messages transitent par le cerveau du voyant, ils peuvent ne pas être totalement indépendants de la personnalité de celui-ci. De la même façon que les quatre Evangiles ne sont pas identiques et reflètent la personnalité de leur auteur, de même il est possible qu’il existe une certaine marge d’interprétation des messages liée à la personnalité du voyant. Ainsi, un message de Dieu peut être parfaitement authentique dans son esprit sans qu’il soit interdit d’en faire une certaine « critique », au sens de
la critique historique, et d’en admettre une interprétation mieux adaptée à d’autres personnalités.
Ces considérations répondent à des questions que se posent parfois des chrétiens quelque peu surpris par l’institution d’un « grigri » comme la médaille miraculeuse, de la formulation « couleur locale » de certains messages de la Vierge ou de secrets si redoutables que le pape refuse d’en parler. Les recommandations et les messages sont, avant tout, destinés aux voyants, même s’il ont souvent une retentissement plus large et parfois mondial. Mais ceci n’implique pas que chacun soit concerné par les aspects circonstanciels du message : c’est le contenu spirituel qui importe et chaque croyant est libre de l’adapter à sa propre situation. Il peut même ne pas y croire du tout.
Autrement dit, on peut avancer l’hypothèse que les apparitions ne sont que la partie émergée d’un iceberg constitué de l’ensemble des manifestations divines surnaturelles, destinées généralement à des individus particuliers. Parmi les formes variées de ces manifestations, habituellement personnalisées, certaines toucheraient simultanément plusieurs individus ou comporteraient des phénomènes visibles par des tiers.
Le plus ou moins grand rayonnement d’une apparition dépendrait, en fin de compte, de la qualité spirituelle du « visionnaire » dont le rôle s’apparente à celui d’une caisse de résonance.